La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision préjudicielle concernant l’assurance responsabilité civile automobile lors d’un accident de la circulation transfrontalier. Un véhicule n’ayant pas satisfait à l’obligation d’assurance a provoqué une collision sur le territoire allemand en juillet deux mille six avec un autre conducteur. Le bureau national d’assurance local a indemnisé la victime après un accord amiable conclu devant le tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main. L’organisme national du pays d’origine a remboursé ces sommes puis a exercé un recours subrogatoire contre le conducteur et la propriétaire du véhicule non assuré. Le tribunal de district de Marijampolė a d’abord accueilli la demande mais le tribunal régional de Kaunas a infirmé ce jugement en octobre deux mille quatorze. Cette juridiction d’appel a estimé que le demandeur devait prouver le montant du préjudice et le lien causal conformément au droit commun. La Cour suprême de Lituanie a alors interrogé le juge européen sur la compatibilité de cette exigence probatoire avec le droit de l’Union européenne. La question posée cherchait à savoir si les directives sur l’assurance automobile s’opposaient à ce que la charge de la preuve pèse sur l’organisme. Le juge a répondu par la négative en soulignant l’inapplicabilité des textes invoqués et son incompétence pour interpréter les règles privées du système. L’étude de cette solution suppose d’analyser l’inapplicabilité du droit européen avant d’observer le maintien de l’autonomie procédurale des États membres.
I. L’inapplicabilité du droit de l’Union au fonctionnement du système de la carte verte
A. L’incompétence juridictionnelle relative au règlement général
La Cour rappelle que sa compétence préjudicielle se limite à l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions de l’Union européenne. Elle constate que le règlement général du conseil des bureaux constitue un accord entre des organismes de droit privé sans participation des institutions européennes. La décision précise que « ces actes ont été mis au point et conclus par des organismes de droit privé sans participation d’aucune institution ou organe de l’Union ». Cette nature contractuelle exclut le texte du champ de contrôle direct de la juridiction luxembourgeoise malgré son approbation formelle par l’autorité exécutive européenne. Le juge refuse donc d’interpréter les modalités de remboursement interne entre les bureaux nationaux qui régissent souverainement les relations au sein du système.
B. L’exclusion des directives pour des motifs temporels et matériels
Le cadre législatif européen ne trouve pas à s’appliquer en raison de la date du sinistre et de la nature même du litige. La directive de deux mille neuf est écartée car elle n’est pas « applicable ratione temporis au litige au principal » au regard de la date. Les textes antérieurs sont également jugés inapplicables puisque le litige relève exclusivement du système de la carte verte et non des mécanismes spécifiques d’indemnisation. La Cour souligne que la procédure concerne un accident survenu dans l’État membre de résidence de la victime par un véhicule étranger. Cette configuration matérielle place le litige en dehors des dispositions particulières prévues pour les personnes résidant dans un autre État que celui du sinistre.
II. Le maintien de l’autonomie procédurale nationale quant à la charge de la preuve
A. Le rejet de l’application de la Charte des droits fondamentaux
Le défaut de lien avec le droit de l’Union prive alors les justiciables de la protection offerte par l’article quarante-sept de la Charte. Le juge européen considère que le litige ne fait apparaître aucune mise en œuvre d’une règle européenne au sens de l’article cinquante et un. L’arrêt affirme que « l’article 47 de celle-ci n’apparaît pas non plus pouvoir s’appliquer au litige au principal » faute de base légale suffisante. L’absence de mise en œuvre du droit de l’Union libère la juridiction nationale des contraintes interprétatives liées au droit à un recours effectif européen. Cette neutralité renvoie la question de la validité de la preuve aux seules règles procédurales et substantielles du droit de l’État membre concerné.
B. La validation de l’exigence probatoire pesant sur l’organisme national
La Cour conclut que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que l’organisme national supporte intégralement la charge de la preuve. Les autorités nationales peuvent exiger la démonstration de la faute, du lien de causalité et du dommage pour accueillir le recours contre les responsables. La décision valide la jurisprudence nationale imposant au demandeur « la charge de la preuve relative à l’ensemble des éléments établissant la responsabilité civile ». Le simple paiement effectué au profit d’un bureau étranger ne suffit pas à établir automatiquement la dette personnelle du conducteur ou de la propriétaire. Cette solution préserve les droits de la défense en permettant aux personnes poursuivies de contester le bien-fondé de l’indemnisation versée sans leur participation.