La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 juin 2023, un arrêt fondamental concernant l’organisation commune des marchés des produits agricoles. Cette décision précise les conditions de reconnaissance des organisations de producteurs prévues par le règlement n° 1308/2013, tel que modifié en 2017. Un litige est apparu suite au refus d’une autorité nationale d’agréer une structure en raison de sa composition et de son mode de gouvernance. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur l’application de la règle de l’adhésion unique aux membres n’ayant pas la qualité de producteur. Elle souhaitait également clarifier les critères permettant de garantir un contrôle démocratique réel des producteurs sur les décisions prises par leur groupement. Le juge européen affirme que l’exigence d’appartenance unique ne vise que les producteurs et impose une vérification approfondie des influences extérieures.
I. La délimitation stricte du principe d’adhésion unique aux seuls producteurs
A. Une interprétation littérale et finaliste de la qualité de membre
La Cour de justice affirme que « l’exigence d’appartenance à une seule organisation de producteurs vise exclusivement les membres de celle-ci ayant la qualité de producteurs ». Cette lecture limite le champ d’application de l’article 153 pour favoriser le regroupement efficace de l’offre par les véritables exploitants agricoles. L’exclusion des membres non-producteurs de cette contrainte permet d’associer divers partenaires au développement de la structure sans entraver leur liberté contractuelle. La solution retenue assure ainsi une souplesse nécessaire à l’attractivité économique des groupements tout en préservant l’intégrité de la production.
B. La distinction fonctionnelle entre les catégories d’associés
Le règlement européen impose une discipline rigoureuse aux producteurs afin d’éviter les distorsions de concurrence et de garantir une concentration de l’offre. En revanche, les membres non-producteurs peuvent apporter des capitaux ou des services sans être soumis à l’exclusivité prévue par le texte communautaire. Cette distinction repose sur la nature des intérêts en jeu et sur la nécessité de ne pas multiplier les barrières à l’entrée. L’identification précise des membres assujettis à l’exclusivité constitue d’ailleurs le préalable indispensable à l’examen de la gouvernance interne de l’organisation.
II. L’exigence d’un contrôle démocratique effectif et indépendant
A. L’examen global des liens d’influence entre les membres
Pour valider les statuts, l’autorité doit examiner si une personne contrôle certains membres en tenant compte des participations et d’autres rapports spécifiques. Il convient d’analyser l’affiliation à une même confédération syndicale ou l’exercice de responsabilités de direction au sein de telles structures représentatives. La Cour impose ainsi une recherche concrète de la réalité du pouvoir, dépassant la simple apparence juridique des détentions de capital social. Cette approche pragmatique empêche toute manipulation des règles de majorité par des entités cherchant à contourner l’autonomie des producteurs.
B. La prévention d’une emprise prépondérante des membres non-producteurs
L’autorité doit vérifier si un membre non-producteur peut exercer une influence déterminante sur les décisions, même sans détenir la majorité des voix. Cette vigilance vise à garantir que les producteurs conservent le pilotage stratégique de leur organisation conformément aux objectifs de la politique agricole. Le juge européen protège ainsi l’indépendance décisionnelle des exploitants contre d’éventuelles stratégies de captation par des intérêts financiers ou syndicaux extérieurs. La reconnaissance d’une organisation de producteurs demeure conditionnée à la preuve que les décisions reflètent réellement la volonté démocratique de ses membres.