Cour de justice de l’Union européenne, le 15 juin 2023, n°C-499/21

La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt rendu en huitième chambre le 15 juin 2023, précise les conditions de recevabilité du recours contre un accord international. Plusieurs ressortissants britanniques résidant en Europe contestaient la décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord de retrait du Royaume-Uni. Les requérants estimaient que cet acte les privait indûment de leur citoyenneté européenne et des droits fondamentaux attachés à ce statut spécifique.

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni notifiait son intention de quitter l’Union conformément à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. Suite à la signature de l’accord de retrait, le Conseil adoptait la décision litigieuse le 30 janvier 2020 pour approuver officiellement cet engagement. Les requérants saisissaient le Tribunal de l’Union européenne afin d’obtenir l’annulation partielle de cette décision en invoquant la protection de leurs droits acquis. Le Tribunal rejetait leur demande par voie d’ordonnance le 8 juin 2021 en raison d’une absence de qualité pour agir des particuliers.

La Cour de justice devait déterminer si l’annulation de l’acte d’approbation de l’accord pouvait légalement restaurer le statut de citoyen européen des intéressés. Elle considère que la perte de ce statut découle exclusivement de la décision souveraine de l’État de se retirer de l’organisation commune. Le défaut d’intérêt à agir des requérants justifie ainsi le rejet du pourvoi sans qu’un examen au fond des moyens de droit ne soit nécessaire. L’analyse de cette solution implique d’étudier la déconnexion entre l’acte attaqué et le préjudice invoqué, avant d’apprécier la rigueur procédurale maintenue par le juge.

I. La déconnexion juridique entre l’acte d’approbation et la perte du statut de citoyen

A. L’imputabilité de la perte de citoyenneté au retrait souverain de l’État

La Cour rappelle avec fermeté que la citoyenneté de l’Union repose sur la possession préalable de la nationalité d’un État membre de l’organisation. Elle souligne que « la perte de cette nationalité entraîne donc, pour la personne concernée, celle de ce statut et de ces droits ». Cette conséquence juridique est présentée comme le résultat mécanique de l’exercice par un État de sa compétence souveraine de retrait.

Le juge communautaire écarte ainsi toute responsabilité directe de l’accord de retrait ou de sa décision d’approbation dans l’extinction des droits des citoyens. La fin du statut européen est une « conséquence automatique de la seule décision prise souverainement par le Royaume-Uni de se retirer de l’Union ». Les institutions européennes ne font qu’entériner une situation juridique initiée unilatéralement par l’État sortant selon ses propres règles constitutionnelles.

B. L’inefficacité d’une annulation sur la situation individuelle des requérants

L’intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué procure un bénéfice concret et immédiat à la partie qui introduit le recours. Dans cette espèce, l’annulation éventuelle de la décision du Conseil ne permettrait pas aux ressortissants britanniques de recouvrer leur citoyenneté européenne perdue. La décision de retrait de l’État membre resterait en effet valide et continuerait de produire ses effets juridiques sur la nationalité des individus.

La Cour de justice affirme explicitement qu’une « annulation de la décision litigieuse ne saurait procurer un bénéfice aux requérants qui soit susceptible de fonder un intérêt à agir ». Cette position souligne l’inutilité processuelle d’une contestation portant sur un acte qui n’est pas la cause génératrice du grief. La juridiction se fonde sur l’absence d’impact réel de la procédure sur le maintien des prérogatives liées à l’ancienne citoyenneté.

II. Le renforcement des conditions de recevabilité par le défaut d’intérêt à agir

A. La substitution de motifs opérée d’office par la Cour de justice

La Cour de justice soulève d’office le défaut d’intérêt à agir car cette question constitue un moyen d’ordre public dans le contentieux administratif européen. Le Tribunal s’était limité à examiner la qualité pour agir des requérants en vérifiant s’ils étaient individuellement et directement concernés par l’acte. La Cour préfère fonder son rejet sur une condition plus fondamentale et préalable à toute analyse fine de l’individualisation des parties.

Cette substitution de motifs permet à la juridiction d’éviter de se prononcer sur le caractère réglementaire ou législatif de la décision de conclusion. Elle juge que « l’intérêt à agir constitue ainsi la condition essentielle et première de tout recours en justice » intenté devant les juridictions de l’Union. En priorisant cet obstacle procédural, la Cour simplifie le traitement du litige tout en rappelant les principes cardinaux du droit du contentieux.

B. Une limitation de l’accès au juge de l’Union en matière d’accords internationaux

Cette décision confirme la difficulté pour les citoyens ordinaires de contester des actes de portée internationale adoptés par les institutions de l’Union. Le juge maintient une interprétation stricte des critères de recevabilité pour éviter une multiplication de recours individuels contre des décisions diplomatiques majeures. La protection juridictionnelle effective est ici balancée par la nécessité de préserver la stabilité des relations contractuelles entre l’Union et les États tiers.

Les requérants ne peuvent donc pas transformer le juge de l’Union en censeur d’une décision politique majeure dont les conséquences leur sont pourtant défavorables. Le droit de l’Union ne saurait offrir de remède juridictionnel direct contre les effets d’un retrait étatique engagé sur le fondement des traités. La solution adoptée par la huitième chambre sanctuarise ainsi le processus de sortie d’un État contre les contestations fondées sur la perte de la citoyenneté.

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Hassan KOHEN
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