Cour de justice de l’Union européenne, le 15 juin 2023, n°C-502/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 15 juin 2023, rejette le pourvoi formé contre une ordonnance du Tribunal de l’Union européenne. Cette affaire traite de la perte automatique de la citoyenneté européenne consécutive au retrait d’un État membre et de l’admissibilité du recours contre l’accord de retrait. Un ressortissant d’un ancien État membre contestait la décision du Conseil de l’Union européenne relative à la conclusion de l’accord de retrait du 24 janvier 2020. Le requérant invoquait notamment la violation de ses droits fondamentaux et le maintien de son statut de citoyen européen malgré le départ de son État d’origine. Le Tribunal avait déclaré le recours irrecevable au motif que l’intéressé n’était pas directement concerné par la décision attaquée au sens de l’article 263 du Traité. La juridiction de première instance estimait que la perte des droits découlait de la procédure de retrait elle-même et non de l’acte de conclusion de l’accord litigieux. Le demandeur a donc saisi la Cour de justice pour obtenir l’annulation de cette ordonnance en invoquant plusieurs moyens relatifs à l’affectation directe de sa situation. La question posée portait sur le point de savoir si l’accord de retrait constitue la cause juridique de la perte de la citoyenneté pour les particuliers. La Cour confirme la solution du Tribunal en rappelant que la sortie de l’Union résulte exclusivement de la volonté souveraine de l’État qui se retire.

I. L’irrecevabilité du recours fondée sur l’absence d’affectation directe du requérant

A. Le caractère automatique de la perte du statut de citoyen

La Cour de justice souligne que la disparition des droits liés à la citoyenneté européenne ne trouve pas sa source dans l’accord de retrait proprement dit. Les juges affirment avec clarté que « la perte du statut de citoyen de l’Union est une conséquence automatique de la seule décision souveraine prise par l’État de se retirer ». Cette interprétation stricte de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne prive le recours de son fondement juridique principal quant à l’intérêt à agir. La situation du particulier change par l’effet de la notification du retrait sans que l’acte de conclusion du Conseil n’intervienne de manière déterminante. La Cour précise que ce changement de statut juridique s’impose indépendamment des stipulations spécifiques contenues dans l’accord négocié entre les parties à la procédure. Le lien de causalité entre l’acte attaqué et le préjudice allégué par le ressortissant étranger n’est donc pas établi selon les critères classiques.

B. L’impossibilité de contester l’acte de conclusion de l’accord

Le rejet du pourvoi repose également sur le fait que la décision du Conseil ne produit pas d’effets juridiques autonomes sur la citoyenneté des individus. La décision de conclusion constitue un acte formel nécessaire à la finalisation du processus diplomatique mais elle ne modifie pas la portée du retrait souverain. La Cour de justice rappelle ainsi que « la décision de conclusion n’est pas l’acte qui engendre cette conséquence » de perte de droits pour les anciens ressortissants. Le particulier ne peut donc prétendre être directement concerné par un acte qui se borne à entériner une situation juridique déjà scellée par ailleurs. L’ordonnance du Tribunal est validée car elle respecte les conditions strictes de recevabilité des recours en annulation formés par des personnes physiques ou morales. Cette analyse de la recevabilité permet à la Cour de réaffirmer la structure constitutionnelle de l’Union face aux conséquences d’un départ étatique majeur.

II. La réaffirmation du cadre constitutionnel relatif au retrait d’un État membre

A. La prééminence de la décision souveraine de l’État membre

La solution retenue par la Cour de justice consacre la suprématie de la volonté nationale exprimée dans le cadre de la procédure de l’article 50. Le retrait d’un État membre constitue un acte unilatéral dont les effets juridiques sur les citoyens sont prévus directement par les traités européens eux-mêmes. Les juges soulignent que l’Union ne peut être tenue pour responsable de la perte des droits lorsque celle-ci découle du choix de l’État tiers. Cette décision protège l’autonomie du droit de l’Union en évitant que des recours individuels ne viennent paralyser les accords internationaux nécessaires à la sortie ordonnée. La Cour refuse de dissocier la citoyenneté européenne de la nationalité d’un État membre, confirmant ainsi le lien organique fondamental entre ces deux qualités juridiques. Le respect de la souveraineté étatique implique que les ressortissants de l’État sortant acceptent les conséquences inhérentes au choix politique de leurs propres autorités.

B. L’exclusion d’un droit au maintien perpétuel de la citoyenneté

L’arrêt du 15 juin 2023 écarte fermement l’idée d’un droit acquis au maintien du statut de citoyen européen après le retrait définitif de l’État. La Cour considère que la protection juridictionnelle ne saurait couvrir des situations où la base légale de la citoyenneté a disparu de manière constitutionnelle. Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne peuvent être invoqués pour contrecarrer les effets automatiques du droit primaire. La juridiction luxembourgeoise affirme que la perte des avantages liés au marché intérieur constitue un risque inévitable lié à l’exercice de la clause de retrait. Le rejet définitif du pourvoi signifie qu’aucune action en annulation ne peut prospérer sur le seul fondement de la perte de la citoyenneté de l’Union. Les particuliers doivent donc se soumettre au nouveau régime juridique découlant de l’accord sans pouvoir remettre en cause la validité de sa conclusion formelle. Cette jurisprudence clôt le débat sur la possibilité d’une citoyenneté européenne résiduelle et indépendante de l’appartenance de l’État à l’organisation communautaire.

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Hassan KOHEN
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