La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 6 octobre 2025, précise les contours du contrôle juridictionnel en matière environnementale. Ce contentieux émerge à la suite d’un projet susceptible d’affecter des zones protégées par le droit de l’Union, soulevant des interrogations sur la recevabilité des moyens. Le requérant conteste une décision d’autorisation devant les juridictions nationales, alors que le droit interne impose une précision stricte dans l’exposé initial des demandes. La question posée à la Cour concerne la compatibilité de ces rigueurs procédurales avec le principe d’effectivité du droit de l’Union. Les juges doivent également déterminer l’étendue de l’obligation de motivation lorsque l’autorité dispense un projet d’une évaluation environnementale approfondie. La Cour de justice dispose qu’une règle de procédure nationale peut interdire l’invocation de moyens nouveaux lors de l’audience de jugement. Elle souligne toutefois que l’autorité administrative doit justifier l’absence de doutes scientifiques pour écarter l’évaluation appropriée des incidences.
I. L’encadrement rigoureux de l’accès au juge et de la motivation administrative
A. La validité des forclusions procédurales nationales face aux exigences européennes
La Cour valide d’abord une règle de procédure nationale imposant aux requérants d’énoncer de manière précise chacun de leurs moyens dès l’introduction de l’instance. Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une demande de contrôle fondée sur un « exposé des demandes et des moyens ». Cette exigence de précision vise à garantir la sécurité juridique et la célérité du traitement des litiges environnementaux. La juridiction européenne admet ainsi que le requérant ne puisse, lors de l’audience, « invoquer aucun moyen ni formuler aucune demande » qui ne figurerait pas dans son acte initial. Cette solution consacre l’autonomie procédurale des États membres, sous réserve que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés. La limitation du débat oral aux seuls éléments préalablement écrits ne semble pas entraver de manière excessive l’exercice des droits conférés par les directives.
B. L’exigence d’une motivation administrative circonstanciée sur l’absence de doutes scientifiques
Dès lors que l’autorité décide de ne pas exiger d’évaluation environnementale, sa décision doit reposer sur une motivation particulièrement solide et transparente. Bien que l’autorité ne soit pas tenue de répondre à « tous les points de droit et de fait soulevés », elle doit justifier sa position de manière explicite. Elle doit indiquer les motifs lui ayant permis d’acquérir « la certitude, malgré les avis contraires et les doutes raisonnables éventuellement exprimés », que le projet n’affecterait pas le site. Cette obligation de motivation renforcée garantit que l’absence d’évaluation appropriée ne résulte pas d’une omission ou d’une analyse superficielle des risques environnementaux. La Cour impose ainsi un standard de preuve élevé pour écarter les doutes scientifiques raisonnables quant à l’innocuité d’un plan ou d’un projet. Cette rigueur dans la motivation permet un contrôle juridictionnel effectif du bien-fondé de la décision administrative d’autorisation.
II. L’analyse technique du projet et les perspectives de l’évaluation environnementale
A. La prise en compte des caractéristiques intrinsèques du projet lors de l’examen préalable
La Cour apporte une précision majeure concernant la phase de détermination de la nécessité d’une évaluation appropriée, souvent qualifiée de phase de screening. Elle admet que l’on puisse tenir compte des caractéristiques du projet impliquant « l’élimination de contaminants » pour réduire les incidences négatives potentielles. Ces éléments peuvent être pris en considération s’ils sont intégrés au projet en tant que « caractéristiques standards, inhérentes à un tel plan ou projet ». Cette distinction est essentielle car elle sépare les mesures d’atténuation spécifiques des standards techniques habituels de construction ou d’exploitation. Si une caractéristique est indissociable du projet indépendamment de toute incidence environnementale spécifique, elle peut être examinée dès l’étape initiale du processus. Cette approche permet de ne pas déclencher inutilement des évaluations lourdes lorsque des dispositifs techniques classiques garantissent d’emblée la protection du site concerné.
B. La portée de la décision sur la protection effective des sites protégés
Cette jurisprudence renforce l’équilibre entre l’efficacité administrative et l’exigence de protection des habitats naturels et de la faune sauvage. En clarifiant la distinction entre caractéristiques standards et mesures compensatoires, la Cour offre une sécurité juridique accrue aux porteurs de projets et aux autorités. La solution souligne que la certitude scientifique reste le pivot de la dispense d’évaluation, limitant ainsi la marge de manœuvre discrétionnaire des administrations. La protection de l’environnement bénéficie d’un contrôle juridictionnel certes encadré dans le temps, mais dont l’intensité sur le fond demeure particulièrement élevée. Les requérants sont incités à une plus grande rigueur dès le début de la procédure, assurant une meilleure structuration des débats juridiques. L’arrêt confirme ainsi que la sauvegarde de la biodiversité repose autant sur des procédures claires que sur des analyses scientifiques exhaustives et motivées.