Cour de justice de l’Union européenne, le 15 mai 2019, n°C-235/18

La Cour de justice de l’Union européenne, le 15 mai 2019, apporte des précisions sur le régime de la taxe sur la valeur ajoutée relatif aux cartes de carburant. Le litige concernait le remboursement de la taxe versée par une société mère pour le compte de ses filiales de transport établies dans différents États membres. Cette entité organisait l’approvisionnement en carburant et refacturait mensuellement les coûts réels à ses filiales, tout en appliquant une majoration de deux pour cent. L’administration fiscale nationale a refusé le remboursement demandé au motif que les opérations ne constituaient pas des livraisons de biens mais des prestations de services financières.

Le tribunal administratif de Varsovie, par un jugement du 26 juin 2015, a rejeté le recours formé contre cette décision de refus de remboursement de taxe. La Cour suprême administrative de Pologne, par une décision du 23 novembre 2017, a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne. La question préjudicielle visait à déterminer si la mise à disposition de ces cartes constituait un octroi de crédit exonéré ou une opération complexe de livraison. La Cour juge que cette activité constitue un service d’octroi de crédit exonéré de la taxe, excluant ainsi la qualification de livraison de biens corporels. L’étude portera sur l’exclusion de la qualification de livraison de biens avant d’analyser la reconnaissance d’une prestation de services de financement.

**I. L’exclusion de la qualification de livraison de biens**

**A. L’absence de transfert du pouvoir de disposer du bien** La Cour rappelle que la livraison suppose le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire, indépendamment des formes juridiques nationales. En l’espèce, les sociétés pétrolières ne transfèrent pas ce pouvoir à la société mère puisque les filiales décident seules des modalités précises de leur approvisionnement. Ces dernières choisissent librement la qualité ainsi que le moment de l’achat, sans que l’entité centrale ne puisse influer sur l’usage du carburant. « Le donneur de leasing n’a à aucun moment le pouvoir de décider ni la manière dont le carburant doit être utilisé ni les finalités de cette utilisation ». Cette autonomie décisionnelle des filiales dans l’achat du carburant conduit à écarter toute détention effective du bien par la structure de gestion centrale.

**B. La primauté de la réalité économique de l’opération** L’analyse objective de la transaction révèle que la société mère ne dispose jamais physiquement du carburant au sujet duquel elle sollicite pourtant le remboursement. Elle se limite à fournir un instrument de paiement permettant l’acquisition du bien, jouant ainsi un rôle purement financier au sein du groupe. Les livraisons n’apparaissent effectuées aux frais de l’entité centrale qu’en apparence puisque les filiales supportent en réalité l’intégralité des coûts lors de la refacturation. Cette absence de transfert de propriété économique interdit de considérer l’opération comme une succession de livraisons de biens au sens de la directive européenne de 2006. L’absence de livraison de biens au profit de la société mère justifie alors la recherche d’une qualification alternative pour cette prestation de services complexe.

**II. La reconnaissance d’une prestation de services d’octroi de crédit**

**A. L’interprétation extensive de la notion d’octroi de crédit** Toute opération ne constituant pas une livraison de biens doit être qualifiée de prestation de services selon les dispositions claires de la directive européenne. La Cour précise que la notion d’octroi de crédit doit s’interpréter largement et ne saurait être limitée aux seuls prêts accordés par des banques. En appliquant une majoration de deux pour cent sur les factures, l’entité centrale perçoit une véritable rétribution pour le service de financement assuré. Elle fournit ainsi un service financier en avançant les fonds nécessaires à l’achat du carburant, agissant alors exactement comme une institution financière ou de crédit ordinaire. La qualification de service financier emporte des conséquences déterminantes quant au régime d’exonération applicable à l’ensemble des opérateurs économiques du secteur.

**B. La portée de l’exonération fiscale au titre des services financiers** L’exonération prévue par le texte européen s’applique en fonction de la nature de la prestation fournie et non selon le statut spécifique du prestataire. Cette solution garantit le respect du principe fondamental d’égalité de traitement des assujettis en évitant toute distorsion de concurrence injustifiée entre les opérateurs. « L’octroi du financement d’un achat par une banque serait exonéré de TVA, alors que le financement du même achat par un opérateur économique (…) serait soumis à la TVA ». La mise à disposition de cartes de carburant par une société mère au profit de ses filiales constitue donc une opération financière exonérée de taxe.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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