L’arrêt commenté, rendu par la Cour de justice, se prononce sur le pourvoi formé contre une décision du Tribunal de première instance du 12 janvier 2005. En l’espèce, une entreprise avait sollicité l’enregistrement d’une marque communautaire figurative incluant le terme « quantum » pour désigner des produits relevant de la classe 14, qui correspond notamment aux articles d’horlogerie. Le titulaire d’une marque figurative nationale antérieure, comportant le mot « quantieme » et enregistrée pour des produits des classes 14 et 18, a formé une opposition à cet enregistrement.
La division d’opposition de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) a d’abord fait droit à cette opposition. Saisie par l’entreprise demanderesse, la chambre de recours de l’Office a ensuite annulé cette décision, ouvrant la voie à l’enregistrement. Le titulaire de la marque antérieure a alors introduit un recours devant le Tribunal de première instance, lequel a annulé la décision de la chambre de recours, restaurant ainsi le refus d’enregistrement initial. C’est dans ce contexte que l’entreprise souhaitant enregistrer la marque « quantum » a formé un pourvoi devant la Cour de justice. Il était donc demandé à la Cour de déterminer si l’appréciation du Tribunal, qui avait conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les deux signes, reposait sur une application juste du droit de l’Union. La Cour de justice rejette le pourvoi, confirmant par là même l’analyse des juges du fond et le refus d’enregistrement de la seconde marque.
La solution retenue repose ainsi sur une application orthodoxe des critères d’évaluation du risque de confusion (I), tout en rappelant avec fermeté les limites inhérentes au contrôle exercé dans le cadre d’un pourvoi (II).
I. La confirmation du risque de confusion par une appréciation globale
La Cour de justice valide l’analyse du Tribunal de première instance qui avait conclu à l’existence d’un risque de confusion, en se fondant d’une part sur la similitude probante entre les signes (A) et d’autre part sur l’identité des produits concernés (B).
A. La similarité déterminante des signes en conflit
L’appréciation du risque de confusion, au sens de « l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 », impose une évaluation globale qui prend en compte la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en présence. En l’espèce, le Tribunal avait estimé que les deux signes présentaient un certain degré de ressemblance, notamment sur les plans visuel et phonétique. Bien que les termes « quantum » et « quantieme » ne soient pas identiques, leur structure commune et leur sonorité proche pouvaient induire en erreur le consommateur d’attention moyenne.
En rejetant le pourvoi, la Cour de justice confirme que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans son appréciation de cette similarité. Le juge de l’Union n’a pas à substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal, mais seulement à vérifier la cohérence juridique de son raisonnement. La Cour entérine donc la méthode d’analyse comparative des signes qui a conduit à retenir une ressemblance suffisante pour potentiellement créer une confusion dans l’esprit du public.
B. L’incidence de l’identité des produits visés
Le principe d’interdépendance est au cœur de l’évaluation du risque de confusion : un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similarité des produits ou services, et inversement. Dans cette affaire, les produits visés par les deux marques dans la classe 14, tels que les articles d’horlogerie, étaient considérés comme identiques. Cette identité parfaite des produits renforce considérablement le risque que le public puisse croire que les produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées.
Le Tribunal avait correctement appliqué ce principe en considérant que la similarité constatée entre les signes, même si elle n’était que partielle, devenait décisive en raison de l’identité des produits. La Cour de justice, en validant cette démarche, rappelle que le risque de confusion doit être apprécié concrètement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. La combinaison d’une ressemblance entre les signes et d’une identité des produits constituait une base juridique solide pour refuser l’enregistrement de la marque seconde.
Au-delà de la validation de l’analyse sur le fond, cet arrêt est également l’occasion pour la Cour de justice de réaffirmer les règles procédurales strictes qui encadrent son office.
II. La rigueur procédurale du pourvoi devant la Cour de justice
La Cour rejette le pourvoi en s’appuyant sur des règles de procédure claires, rappelant d’une part l’irrecevabilité d’un moyen présenté pour la première fois à ce stade (A) et d’autre part le caractère limité de son contrôle sur l’appréciation des faits (B).
A. L’irrecevabilité du moyen nouveau
La procédure devant la Cour de justice, lorsqu’elle statue sur un pourvoi, a pour seul objet de contrôler l’application du droit par le Tribunal, et non de rejuger l’affaire. Par conséquent, une partie ne peut pas invoquer pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal. Comme le souligne la jurisprudence constante de la Cour, un tel « moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi » est irrecevable.
Cette règle vise à garantir une bonne administration de la justice, en évitant que la Cour ne se prononce sur des questions qui n’ont pas été débattues devant les juges du fond. En appliquant cette règle avec constance, la Cour de justice préserve la fonction du pourvoi, qui est de garantir l’unité d’interprétation du droit de l’Union et non de constituer une troisième instance d’examen du litige. L’irrecevabilité d’un des moyens soulevés dans cette affaire illustre cette orthodoxie procédurale.
B. Le contrôle limité de l’appréciation des faits
Conformément à « l’article 225, paragraphe 1, CE et l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice », le pourvoi est limité aux questions de droit. La Cour n’est donc pas compétente pour réexaminer les faits tels qu’établis par le Tribunal, sauf en cas de dénaturation de ces faits ou des éléments de preuve. Une telle dénaturation doit ressortir de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits.
Dans la présente affaire, les arguments du demandeur au pourvoi relatifs à la similitude des signes visaient en réalité à obtenir une nouvelle évaluation des faits, ce qui excède la compétence de la Cour. La Cour constate que le Tribunal a procédé à une analyse factuelle sans dénaturer les éléments qui lui étaient soumis. En conséquence, elle juge le moyen irrecevable, réaffirmant ainsi la distinction fondamentale entre l’erreur de droit, qu’elle peut sanctionner, et l’« appréciation erronée des faits », qui ne relève pas de son contrôle.