La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 janvier 2012, un arrêt relatif à la conservation des habitats naturels. Le litige opposait la Commission européenne à la République de Pologne au sujet de la transposition d’une directive environnementale. La législation polonaise prévoyait des dérogations aux interdictions de protection des espèces animales et végétales sauvages menacées. Ces exceptions concernaient les activités liées à la pratique d’une agriculture, d’une sylviculture ou d’une pisciculture raisonnées. La Commission a engagé une procédure de manquement en adressant une mise en demeure le 4 juillet 2006. Un avis motivé fut ensuite notifié le 29 janvier 2010 pour dénoncer l’insuffisance des mesures de transposition. L’institution européenne reprochait à l’État membre d’avoir adopté des critères de dérogation trop larges et imprécis. La République de Pologne soutenait que ces dispositions législatives n’étaient pas appliquées ou étaient en cours de modification. Elle invoquait la primauté de sa Constitution nationale pour écarter l’application des règlements administratifs contestés. Les juges devaient déterminer si des normes nationales imprécises satisfont aux objectifs de protection d’une directive. La Cour a accueilli le recours en rappelant l’obligation de clarté législative pour garantir la sécurité juridique. L’étude de cette décision impose d’examiner l’interprétation restrictive du régime dérogatoire avant d’analyser les exigences de sécurité juridique.
I. L’interprétation restrictive des dérogations au régime de protection
A. L’incompatibilité des dérogations liées aux pratiques sectorielles
Le texte européen impose un régime de protection stricte dont les dérogations constituent une « disposition d’exception ». La Cour rappelle que l’article 16 de la directive doit impérativement faire l’objet d’une interprétation restrictive. Le droit polonais permettait de s’écarter des interdictions lorsque les technologies utilisées ne permettaient pas leur respect. Cette exception visait à protéger les intérêts économiques des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture ou de la pisciculture. Or, la directive n’autorise pas de tels motifs pour écarter les obligations de conservation des espèces. En validant ces usages sectoriels, la législation nationale méconnaissait l’objectif fondamental de préservation de la biodiversité.
B. L’imprécision du critère de prévention des dommages importants
La loi polonaise prévoyait également des dérogations pour prévenir des dommages importants causés aux exploitations ou aux fermes. Cette rédaction n’établit pas de lien suffisant avec les menaces pesant réellement sur les biens matériels. La Commission soulignait que cette notion pouvait couvrir la simple baisse de viabilité financière d’une entité privée. L’arrêt précise que le texte national ne correspond pas avec « suffisamment de clarté » aux hypothèses européennes. La protection des loutres dans les zones d’élevage illustre cette carence par une absence totale d’interdictions. La constatation de ce manquement s’explique également par l’obligation de garantir une clarté normative absolue.
II. L’exigence de sécurité juridique dans la transposition de la directive
A. L’insuffisance des pratiques administratives et de la hiérarchie des normes
La gestion du patrimoine naturel de l’Union européenne constitue une responsabilité commune incombant aux États membres. La République de Pologne affirmait que les règlements litigieux étaient devenus inapplicables suite à une réforme législative. Elle invoquait la hiérarchie des normes pour justifier l’absence de risques concrets pour les espèces protégées. Les juges écartent cet argument en soulignant que l’exécution par l’administration ne suffit pas à la clarté. Une pratique administrative est modifiable au gré des autorités et manque de la publicité nécessaire envers les tiers. La présence de textes contraires dans l’ordre juridique crée une ambiguïté incompatible avec les principes fondamentaux.
B. La nécessité d’une transposition législative stable et précise
L’exactitude de la transposition revêt une importance particulière pour des règles environnementales complexes et techniques. Les États membres sont « spécialement tenus de veiller » à la précision de leur législation interne. L’annonce de réformes futures ou le caractère facultatif d’une habilitation ne permettent pas de régulariser un manquement. Tant que la base juridique contraire subsiste, les autorités disposent d’un outil permettant d’adopter des mesures illégales. La Cour confirme ainsi que la protection de l’environnement requiert une stabilité normative pour prévenir les dommages. Ce manquement aux obligations de l’article 16 souligne la rigueur attendue dans l’intégration du droit européen.