La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 mars 2017, un arrêt relatif à l’obligation de renvoi préjudiciel incombant aux juridictions nationales. Un ressortissant d’un État membre, résidant sur le territoire d’un autre État, s’est vu notifier un refus de séjour fondé sur des impératifs d’ordre public. Après plusieurs recours infructueux devant les instances administratives et judiciaires, l’intéressé a engagé une action en responsabilité contre l’État pour violation du droit européen. La cour d’appel de Bruxelles, par une décision du 23 décembre 2015, a interrogé la Cour de justice sur la qualification exacte d’une juridiction de dernier ressort. Elle souhaitait également savoir si l’irrecevabilité d’un pourvoi, fondée sur le droit interne, permettait d’écarter l’obligation de saisine prévue par le traité de l’Union. La Cour de justice affirme qu’une juridiction dont les décisions sont susceptibles de recours n’est pas de dernière instance, malgré un désistement procédural ultérieur. Elle précise en outre qu’une juridiction suprême peut s’abstenir de poser une question si le recours est irrecevable pour des motifs internes légitimes et proportionnés. Cette décision conduit à examiner d’abord la définition stricte de la juridiction de dernier ressort avant d’analyser les limites procédurales à l’obligation de renvoi.
I. La délimitation rigoureuse de la notion de juridiction statuant en dernier ressort
A. Le critère organique de l’existence d’un recours juridictionnel L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne impose une obligation de saisine aux seules juridictions dont les décisions ne sont plus susceptibles de recours. Cette règle vise à prévenir toute divergence jurisprudentielle nationale susceptible de compromettre l’interprétation uniforme et nécessaire des normes juridiques au sein de l’espace européen. Le juge de dernière instance constitue par définition l’ultime rempart permettant aux particuliers de faire valoir les droits qu’ils tirent directement de l’ordre juridique commun. La Cour souligne que le Conseil du Contentieux des étrangers ne saurait être considéré comme statuant en dernier ressort au vu de l’existence d’un recours en cassation. Cette approche purement structurelle garantit une application prévisible des règles de compétence sans égard pour les aléas propres à l’issue finale de chaque litige individuel.
B. L’indifférence des incidents procéduraux sur la qualification de l’instance La juridiction de renvoi s’interrogeait sur l’impact d’une présomption de désistement constatée par la juridiction suprême lors d’un pourvoi en cassation dirigé contre une décision attaquée. La Cour juge que cet incident de procédure nationale n’altère nullement la nature de la juridiction dont la décision était initialement frappée de cet acte de recours. Le fait qu’un requérant soit « regardé de manière irréfragable comme s’étant désisté de l’instance » n’efface pas la possibilité légale du recours ouvert contre l’acte administratif. La qualification de dernier ressort demeure attachée à la structure organique du système juridictionnel interne et non à l’issue effective de la procédure engagée par les parties. Le juge dont l’arrêt est susceptible de cassation reste une juridiction de droit commun déchargée de l’obligation de saisine automatique imposée par le droit de l’Union. Le raisonnement de la Cour de justice permet ainsi de distinguer les obligations de renvoi avant d’aborder les conditions de recevabilité des moyens soulevés devant le juge.
II. L’articulation de l’obligation de renvoi avec les règles de procédure nationales
A. La primauté de la pertinence de la question préjudicielle sur la saisine Le juge de dernier ressort dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la nécessité d’une interprétation européenne pour trancher le litige particulier dont il se trouve saisi. Une question n’est pas pertinente si la réponse apportée par la Cour de justice ne peut exercer aucune influence déterminante sur la solution finale du procès engagé. L’irrecevabilité d’un moyen de cassation pour des motifs de droit interne peut ainsi rendre inutile l’interrogatoire préjudiciel de la juridiction qui siège actuellement à Luxembourg. La Cour énonce qu’une demande préjudicielle n’est plus nécessaire si les moyens soulevés devant le juge suprême sont « déclarés irrecevables » par application des règles procédurales. Cette solution confirme que l’obligation de renvoi ne saurait être absolue au point de contraindre le juge national à solliciter une opinion juridique purement consultative ou hypothétique.
B. Le respect de l’autonomie procédurale sous condition d’équivalence et d’effectivité L’application des règles de procédure internes par le juge de dernier ressort reste subordonnée au respect rigoureux des principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union. Les modalités nationales ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des litiges internes similaires ni rendre impossible en pratique l’exercice des droits fondamentaux. La Cour autorise l’abstention de renvoi préjudiciel lorsqu’un pourvoi est rejeté pour des motifs d’irrecevabilité « propres à la procédure devant cette juridiction » suprême des États membres. Le juge national peut légitimement écarter des moyens si d’autres motifs, non critiqués ou valables, suffisent à justifier le dispositif de la décision contestée par le requérant. Cette réserve préserve l’équilibre entre la rigueur de la procédure civile et l’exigence d’une application effective des normes communes par les juridictions de chaque État membre. La Cour de justice valide ainsi un système où l’économie du procès et la pertinence juridique priment sur le formalisme automatique de la saisine des instances européennes.