Cour de justice de l’Union européenne, le 15 novembre 2017, n°C-374/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 novembre 2017, une décision fondamentale relative aux factures. Un assujetti exerçant le commerce de véhicules a sollicité la déduction de la taxe pour des acquisitions de voitures. L’administration fiscale de Neuss a rejeté cette demande car le fournisseur ne disposait que d’une simple boîte aux lettres. Le Finanzgericht Düsseldorf a confirmé cette décision, estimant que l’adresse devait correspondre au lieu d’exercice d’une activité réelle. L’administration fiscale de Bergisch Gladbach a également émis des avis d’imposition modifiés le 13 septembre 2013 pour des motifs similaires. Le Finanzgericht Köln a toutefois fait droit au recours de l’exploitant contestant le redressement opéré par les services fiscaux. Saisi de pourvois, le Bundesfinanzhof a interrogé la Cour sur l’interprétation de l’article 226 de la directive 2006/112/CE. La question posée est de savoir si l’adresse mentionnée doit être celle où l’émetteur exerce ses activités économiques. La Cour juge que l’adresse sert uniquement à identifier l’assujetti, sans exiger l’exercice d’une activité commerciale en ce lieu. L’analyse de cette décision commande d’examiner l’identification simplifiée de l’assujetti avant d’envisager la prépondérance du fond sur la forme.

I. L’identification simplifiée de l’assujetti par l’adresse de facturation

A. La portée extensive de la notion d’adresse

La Cour souligne que « le sens habituel de ce terme recouvre tout type d’adresse, y compris une simple boîte aux lettres ». Cette interprétation repose sur le constat que le texte de la directive n’exige aucune précision géographique liée à l’exploitation. L’absence de l’adjectif complet dans plusieurs versions linguistiques « ne donne pas d’indications » sur le lieu d’exercice de l’activité. L’objectif premier demeure la possibilité de contacter l’émetteur du document par voie postale, quel que soit son siège réel. Le juge européen refuse ainsi d’ajouter une condition de substance à une exigence qui demeure purement formelle et identificatoire.

B. L’interdiction de restrictions nationales complémentaires

Les États membres ne peuvent pas prévoir d’obligations plus exigeantes que celles qui ressortent expressément de la directive européenne. La Cour rappelle qu’il « n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit à déduction » à des conditions absentes. Une législation nationale imposant un lieu d’activité restreint indûment le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. La rigueur formelle est jugée excessive par les juges européens dès lors qu’elle dépasse les limites fixées par le législateur. La protection du contribuable face au formalisme invite à examiner l’efficacité du contrôle fiscal opéré par l’administration.

II. La prépondérance des conditions de fond sur les exigences formelles

A. La primauté des finalités du contrôle fiscal

La mention de l’adresse vise à permettre aux autorités fiscales de vérifier le paiement de la taxe due par le fournisseur. La Cour précise que « le numéro d’identification à la TVA du fournisseur » constitue l’information essentielle pour assurer cette mission. L’administration peut établir un lien entre une opération donnée et un opérateur spécifique grâce à ce numéro unique d’enregistrement. L’identification de l’émetteur permet de vérifier si le montant donnant lieu à déduction a été déclaré et payé au Trésor. La localisation géographique devient un élément secondaire au regard de la certitude sur l’identité fiscale de l’opérateur concerné.

B. L’adaptation nécessaire aux nouvelles réalités économiques

La solution rendue prend en compte le fait que les activités peuvent être « exercées de manière dématérialisée » aujourd’hui. Le siège social d’une entreprise peut ne pas correspondre au lieu de stockage ou de livraison des marchandises vendues. La Cour protège le principe de neutralité fiscale en évitant de pénaliser les structures économiques modernes sans bureaux fixes. Elle considère que l’exercice d’une activité peut être déployé en d’autres lieux que le siège social déclaré sur la facture. Cette jurisprudence confirme que la réalité des opérations de fond l’emporte sur le respect strict de critères géographiques traditionnels.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture