La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, s’est prononcée sur un recours en manquement relatif à la gestion des déchets. Cette affaire concerne le respect par la République italienne des directives européennes encadrant la mise en décharge et le cadre général des déchets ménagers. La Commission européenne reprochait à l’État membre d’avoir toléré la mise en décharge de résidus sans traitement préalable suffisant dans la région du Latium. Elle contestait également l’absence d’un réseau intégré d’installations capables d’assurer une gestion autonome et efficace sur l’ensemble du territoire régional visé.
La procédure fait suite à des mises en demeure restées sans effets satisfaisants concernant les capacités de traitement des sous-zones administratives de Rome et Latina. La Commission soutenait que les autorités nationales ne garantissaient pas une sélection rigoureuse des fractions de déchets ni une stabilisation thermique de la matière organique. L’État défendeur arguait pour sa part des efforts structurels entrepris et des difficultés techniques liées à la configuration géographique de la région. Le litige porte sur la portée des obligations de résultat pesant sur les États membres en matière de protection de l’environnement et de santé publique.
La question de droit soulevée par cet arrêt réside dans la détermination des critères de conformité du traitement des déchets avant leur enfouissement définitif. Il convient de s’interroger sur l’étendue de l’obligation de créer un réseau d’installations performantes répondant aux meilleures techniques disponibles. La Cour déclare que le manquement est constitué dès lors que les mesures nécessaires pour éviter l’enfouissement de déchets non traités n’ont pas été adoptées. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la caractérisation du défaut de traitement des déchets (I) avant d’examiner l’exigence d’un réseau de gestion intégré (II).
I. La caractérisation du défaut de traitement des déchets municipaux
Le juge de l’Union européenne fonde sa décision sur une lecture rigoureuse des dispositions combinées des directives relatives aux décharges et aux déchets. Il rappelle que la mise en décharge doit rester une solution de dernier recours, conditionnée par une transformation physique, chimique ou thermique préalable.
A. L’insuffisance du processus de sélection et de stabilisation
La Cour souligne que l’État a manqué à ses obligations « en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux » soit enfouie sans traitement. Elle exige que ce processus comprenne impérativement « une sélection adéquate des diverses fractions des déchets » afin de réduire l’impact environnemental des résidus finaux. Cette étape technique permet d’isoler les matières recyclables tout en limitant les volumes destinés à l’abandon définitif dans les sols.
Le manquement est également constaté en raison de l’absence de « stabilisation de leur fraction organique » avant le déversement dans les sites de stockage autorisés. Cette stabilisation est cruciale pour prévenir les nuisances olfactives et la production de lixiviats dangereux pour les nappes phréatiques environnantes. La juridiction refuse de valider des méthodes rudimentaires qui ne garantiraient pas une neutralisation effective des processus biologiques au sein des masses de déchets.
B. La violation des objectifs de protection environnementale
L’arrêt précise que le défaut de traitement adéquat méconnaît les objectifs de l’article 13 de la directive 2008/98 relative à la protection de la santé. Le juge considère que l’absence de mesures préventives efficaces expose inutilement l’environnement à des risques de pollution atmosphérique et terrestre majeurs. Cette interprétation stricte confirme que les États membres ne disposent d’aucune marge de manœuvre quant à l’application des standards techniques de traitement.
La décision sanctionne ainsi une carence persistante dans la mise en œuvre des politiques de tri à la source et de valorisation des matières. Elle rappelle que les difficultés administratives internes ne sauraient justifier le non-respect des exigences impératives fixées par le droit de l’Union. Le constat de ce manquement technique conduit logiquement la Cour à examiner l’organisation structurelle de la gestion des déchets à l’échelle régionale.
II. L’exigence d’un réseau de gestion intégré et performant
La Cour de justice impose aux États membres la mise en place d’infrastructures suffisantes pour assurer une autonomie de traitement sur l’ensemble du territoire. Cette obligation structurelle vise à limiter les transports de déchets et à garantir une efficacité constante des services publics de salubrité.
A. L’obligation de déploiement des meilleures techniques disponibles
L’arrêt sanctionne l’absence, dans la région du Latium, d’un « réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets » conforme aux standards européens actuels. Le juge précise que ce réseau doit impérativement être établi « en tenant compte des meilleures techniques disponibles » pour assurer une performance environnementale optimale. Cette référence technique oblige les autorités nationales à une veille constante et à un investissement soutenu dans les infrastructures de pointe.
La notion de réseau adéquat implique une couverture géographique complète permettant de traiter les déchets au plus près de leur lieu de production. Le défaut d’installations suffisantes dans le SubATO de Rome et de Latina constitue une rupture dans la chaîne de traitement imposée par la directive. Cette carence empêche la réalisation des objectifs de valorisation et condamne l’État à une gestion précaire et non conforme de ses résidus municipaux.
B. La sanction de l’inefficience structurelle de la gestion régionale
Le manquement à l’article 16 de la directive 2008/98 résulte de l’incapacité de l’État à coordonner les moyens techniques nécessaires à une gestion circulaire. La Cour estime que la persistance de zones géographiques sous-équipées démontre une faille systémique dans l’organisation de la politique environnementale nationale. La condamnation aux dépens de la République italienne vient confirmer la gravité de cette insuffisance structurelle constatée sur une longue période.
Cette décision renforce le pouvoir de contrôle de la Commission sur l’adéquation entre les plans de gestion théoriques et la réalité des infrastructures locales. Elle impose une obligation de résultat qui dépasse la simple adoption de textes législatifs pour toucher à l’effectivité opérationnelle des centres de traitement. Le juge européen réaffirme ainsi que la solidarité environnementale entre les régions doit s’appuyer sur des réseaux techniques modernes et intégrés.