Cour de justice de l’Union européenne, le 15 octobre 2015, n°C-167/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 octobre 2015, une décision majeure relative à l’inexécution prolongée d’un précédent arrêt de manquement. Le litige concerne l’absence de mise en œuvre effective des systèmes de collecte et de traitement des eaux résiduaires urbaines au sein de diverses agglomérations. L’institution européenne a saisi la juridiction pour constater que les mesures nécessaires n’avaient pas été adoptées par l’État membre concerné dans les délais requis. La procédure fait suite à une première condamnation prononcée plusieurs années auparavant, laquelle imposait déjà la mise aux normes des infrastructures environnementales nationales. Le problème juridique réside dans l’appréciation des sanctions pécuniaires appropriées pour contraindre un État membre à respecter ses obligations issues du droit de l’Union. Les juges doivent déterminer si le retard accumulé justifie l’accumulation d’une somme forfaitaire et d’une astreinte périodique dont le montant varie selon les progrès réalisés. La Cour juge que le manquement persiste et condamne l’État au paiement de sanctions financières particulièrement lourdes afin d’assurer l’autorité de ses décisions. L’étude portera d’abord sur la reconnaissance du manquement à l’obligation d’exécution avant d’analyser les modalités de la condamnation pécuniaire imposée par la juridiction.

I. La reconnaissance du manquement persistant à l’obligation d’exécution

A. Le constat objectif du défaut d’exécution intégrale

La juridiction rappelle fermement que tout État membre est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt de manquement dès son prononcé. Le dispositif souligne que « en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt… l’État a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ». Cette formulation démontre que la simple volonté d’agir ne suffit pas à exonérer l’administration nationale de ses responsabilités juridiques envers l’Union européenne. Le juge vérifie si les résultats concrets attendus par la législation environnementale ont été effectivement atteints sur l’ensemble du territoire par les autorités publiques. L’obligation d’exécution impose ainsi une diligence totale et immédiate pour faire cesser les atteintes portées à l’intérêt général et à la santé publique.

B. La caractérisation d’une violation grave du droit de l’Union

Le non-respect d’une décision de justice fragilise l’ordre juridique européen en remettant en cause l’efficacité des traités et la confiance mutuelle entre les institutions. La Cour considère que l’absence de progrès significatifs dans la mise en conformité des agglomérations constitue une méconnaissance caractérisée du principe de coopération loyale. Cette situation justifie une intervention rigoureuse du juge pour restaurer la légalité et prévenir toute répétition de tels agissements par d’autres membres de l’organisation. L’appréciation du manquement se détache de toute considération subjective pour s’attacher uniquement à la réalité matérielle de l’inexécution constatée à la date de l’audience. La persistance de l’infraction ouvre alors la voie à un mécanisme de sanction dual dont les modalités d’application visent à garantir une efficacité maximale.

II. Le prononcé d’une condamnation pécuniaire à caractère dissuasif

A. L’imposition d’une somme forfaitaire sanctionnant le retard passé

Le juge européen dispose du pouvoir d’imposer une amende fixe pour punir la durée pendant laquelle l’infraction a subsisté depuis le premier arrêt rendu. La décision précise que « la somme forfaitaire de 10 millions d’euros » doit être versée pour compenser l’atteinte portée aux intérêts de la collectivité. Ce montant élevé reflète la gravité de la faute commise ainsi que la capacité financière de l’État membre à honorer ses engagements internationaux. La somme forfaitaire possède une fonction répressive évidente en envoyant un signal clair sur les conséquences coûteuses d’un refus prolongé d’obtempérer aux ordres juridictionnels. Elle sanctionne une période de négligence identifiée et s’ajoute à d’autres mesures destinées à influencer le comportement futur des autorités nationales défaillantes.

B. L’instauration d’une astreinte dégressive favorisant l’exécution future

La Cour ordonne également le paiement d’une somme récurrente dont le but est d’inciter l’État membre à achever rapidement les travaux de mise en conformité. Le dispositif prévoit « une astreinte de 3 640 000 euros par semestre de retard » calculée selon un système original de réduction progressive en fonction des résultats. Ce mécanisme permet de diminuer la charge financière à mesure que les agglomérations sont effectivement raccordées à des systèmes de traitement des eaux résiduaires performants. La modulation du montant assure une proportionnalité entre la pression économique exercée et les efforts réels déployés par les administrations locales pour respecter les normes. Cette solution originale concilie l’exigence de fermeté judiciaire avec la prise en compte des difficultés techniques inhérentes à la réalisation de grands projets d’infrastructure.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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