La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 octobre 2015, une décision importante relative au règlement sur les procédures d’insolvabilité. Un syndic contestait des paiements au titre de la loi finlandaise, tandis que le bénéficiaire de l’acte invoquait l’application de la loi néerlandaise. La Cour suprême de Finlande, par décision du 20 juin 2014, s’interrogeait sur la preuve de l’irrévocabilité de l’acte au regard de la loi étrangère. Cette problématique soulève la question de l’étendue des dispositions à examiner et de la répartition de la charge probatoire entre les parties au litige. La Cour devait préciser si l’acte doit être inattaquable selon l’ensemble des règles juridiques et des principes généraux de l’État désigné par le contrat. Elle juge que le défendeur doit prouver que la loi applicable ne permet, par aucun moyen, d’attaquer l’opération litigieuse dans le cadre de l’espèce. L’examen de cette solution impose d’analyser l’exigence d’une inattaquabilité absolue avant d’étudier les modalités de la preuve de cette protection juridique.
I. L’exigence d’une inattaquabilité absolue de l’acte au regard de la loi applicable
A. Le champ d’application étendu de la clause d’exception
L’article 13 du règlement permet d’écarter la loi de l’État d’ouverture si l’acte ne peut être attaqué selon la loi qui le régit. La Cour précise que l’application de ce texte est « soumise à la condition que l’acte concerné ne puisse pas être attaqué » selon la loi désignée. Le juge doit impérativement prendre en compte « toutes les circonstances de l’espèce » pour vérifier si une contestation demeure juridiquement possible ou non. Cette protection dérogatoire assure la stabilité des relations contractuelles internationales en évitant l’application imprévisible des règles de nullité du for de l’insolvabilité.
B. L’inclusion des principes généraux de la loi du contrat
La portée de la défense invoquée par le créancier englobe toutes les voies de droit offertes par la législation régissant l’opération litigieuse. Les termes du règlement visent non seulement les règles spéciales de l’insolvabilité, mais également « l’ensemble des dispositions et des principes généraux » de ladite loi. Il ne suffit donc pas de vérifier l’absence de nullités spécifiques, car le droit commun peut aussi permettre de remettre en cause l’acte. Cette exigence d’une analyse exhaustive renforce la prévisibilité juridique pour les opérateurs économiques agissant au sein du marché intérieur européen.
II. La charge de la preuve de l’irrévocabilité de l’acte litigieux
A. L’obligation probatoire pesant sur le bénéficiaire de l’acte
Le créancier qui se prévaut de la validité de son paiement doit démontrer que celui-ci est définitivement acquis selon sa propre loi. La Cour affirme qu’il « incombe à ce défendeur d’invoquer l’absence de ces circonstances et d’en apporter la preuve » de manière convaincante. Le bénéficiaire doit ainsi établir que la loi du contrat, considérée dans son ensemble, fait obstacle à toute forme de contestation de l’acte. Cette répartition de la charge probatoire protège la masse des créanciers contre des exceptions qui ne seraient pas suffisamment étayées par des éléments concrets.
B. La répartition procédurale des rôles entre les parties
Le juge national doit veiller à ce que la preuve de l’irrévocabilité soit apportée conformément aux règles de procédure civile de son propre État. La juridiction ne peut solliciter des preuves contraires de la part du demandeur qu’après avoir constaté que le défendeur a rempli son obligation initiale. Le défendeur doit avoir « effectivement établi, au regard des règles habituellement applicables, que l’acte concerné, en vertu de la même loi, est inattaquable ». Cette méthode assure une application cohérente du droit de l’Union tout en respectant l’autonomie procédurale des tribunaux de chaque État membre.