Le quinze septembre deux mille seize, la Cour de justice de l’Union européenne définit le régime de responsabilité de l’exploitant d’un réseau sans fil gratuit. Un exploitant de matériel de sonorisation mettait à disposition du public une connexion Internet non protégée pour attirer des clients vers son établissement commercial. Une œuvre musicale fut diffusée illégalement sur ce réseau sans l’accord de la société productrice du phonogramme protégé par le droit d’auteur. Le titulaire des droits a alors mis en demeure l’exploitant du réseau de cesser l’atteinte et de l’indemniser pour le préjudice subi. Le Tribunal régional de Munich a saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive relative au commerce électronique. Il s’agissait de déterminer si l’exonération de responsabilité pour le simple transport s’applique à une prestation de service fournie sans contrepartie financière. La Cour juge que l’exonération s’applique aux activités économiques publicitaires mais autorise l’imposition d’une mesure de sécurisation du réseau par mot de passe. La qualification juridique du prestataire de services précède ainsi l’analyse rigoureuse du régime de responsabilité applicable à cette activité de transport d’informations.
**I. La consécration du statut de prestataire de services de la société de l’information**
**A. La reconnaissance du caractère économique d’une prestation gratuite**
Les juges précisent d’abord les critères d’application du droit de l’Union aux services fournis sans paiement direct de la part de l’utilisateur final. Selon la directive, le service de la société de l’information englobe toute prestation fournie normalement contre rémunération par une voie électronique à distance. La Cour souligne qu’une prestation gratuite constitue un tel service lorsqu’elle est réalisée « à des fins publicitaires pour des biens vendus ou des services fournis ». La rémunération du prestataire n’est donc pas nécessairement versée par les personnes qui bénéficient directement de la connexion Internet mise à leur disposition. Cette interprétation permet d’englober les modèles économiques fondés sur l’attractivité générée par l’accès libre aux réseaux de communication au sein des espaces commerciaux.
**B. La neutralité technique inhérente à l’activité de simple transport**
Le bénéfice de l’exonération suppose que le prestataire n’outrepasse pas le cadre d’un procédé technique assurant l’exécution automatique de la transmission des données. La Cour énonce que « la fourniture d’un accès à un réseau de communication ne doit pas outrepasser le cadre d’un tel procédé technique ». Aucune relation contractuelle entre le destinataire et le prestataire n’est exigée pour que le service soit considéré comme effectivement fourni par le professionnel. Le juge refuse ainsi d’ajouter des conditions que le législateur européen n’a pas expressément prévues dans le texte de la directive sur le commerce électronique. Cette passivité technique constitue le fondement de l’exonération dont les conséquences juridiques précises encadrent désormais les actions des titulaires de droits lésés.
**II. L’aménagement d’un régime de responsabilité protecteur et équilibré**
**A. L’éviction du droit à indemnisation du titulaire des droits**
L’article douze de la directive s’oppose à ce qu’une personne lésée demande une indemnisation au motif qu’une connexion a été utilisée par des tiers. La Cour affirme que « la responsabilité d’un prestataire fournissant l’accès à un réseau de communication n’est pas engagée » si les conditions légales sont réunies. Cette interdiction s’étend au remboursement des frais de mise en demeure ou de justice exposés aux seules fins de soutenir la demande de dommages-intérêts. Le droit de l’Union privilégie ici la sécurité juridique de l’intermédiaire technique pour favoriser le développement des services numériques dans le marché intérieur européen. L’absence de responsabilité pour le passé laisse toutefois subsister des voies d’action spécifiques permettant aux titulaires de droits de solliciter des mesures préventives.
**B. La proportionnalité de l’injonction de sécurisation par mot de passe**
Le juge national peut enjoindre au prestataire de prévenir de nouvelles violations en imposant des mesures techniques respectueuses des droits fondamentaux de chaque partie. Les juges écartent la surveillance générale des informations transmises ainsi que l’arrêt complet de la connexion car ces injonctions seraient manifestement disproportionnées. Ils admettent en revanche l’obligation de sécuriser la connexion par un mot de passe pour identifier les utilisateurs et supprimer le caractère anonyme des échanges. Une telle mesure réalise un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et la liberté d’entreprise garantie au prestataire de services numériques. L’efficacité de la protection du droit d’auteur se trouve ainsi assurée sans compromettre la possibilité pour les citoyens d’accéder licitement aux réseaux de communication.