La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 15 septembre 2022, un arrêt fondamental relatif au droit de séjour des membres de la famille. Cette décision interprète la notion d’autre membre de la famille faisant partie du ménage du citoyen de l’Union au sens de la directive 2004/38. Deux cousins nés au Pakistan vivaient ensemble au Royaume-Uni avant que l’un ne s’installe en Irlande après avoir acquis la nationalité britannique. Le membre de la famille a rejoint son parent dans l’État d’accueil et a sollicité un titre de séjour en invoquant son appartenance au ménage. L’autorité administrative nationale a rejeté cette demande en estimant que le requérant n’avait pas résidé assez longtemps avec son cousin. La High Court de Dublin a confirmé ce refus le 25 juillet 2018 en exigeant que le citoyen de l’Union soit le chef du ménage. La Court of Appeal de Dublin a rejeté l’appel le 19 décembre 2019 en soulignant la nécessité d’un attachement affectif entre les deux personnes. Saisie d’un pourvoi, la Supreme Court d’Irlande a interrogé la Cour de justice par une décision de renvoi en date du 13 janvier 2021. Le problème juridique réside dans l’identification des critères caractérisant la notion de ménage pour un membre de la famille élargie du citoyen européen. La Cour de justice juge que cette notion désigne des personnes entretenant une relation de dépendance fondée sur des liens personnels étroits et stables. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’explicitation des critères de la vie domestique commune (I), avant d’envisager la portée d’une vie stable (II).
I. L’explicitation des critères de la vie domestique commune
A. La caractérisation d’un lien de dépendance réelle
La Cour de justice affirme que le ménage désigne une communauté de vie domestique allant « au-delà d’une simple cohabitation temporaire, déterminée par des raisons de pure convenance ». Cette définition autonome du droit de l’Union européenne impose de démontrer l’existence d’une situation de dépendance réelle entre le citoyen et son parent. Les juges soulignent que l’appartenance au ménage doit s’apprécier au regard d’un lien personnel étroit et stable attestant d’une véritable vie commune au foyer. La cohabitation sous un même toit ne suffit pas sans une gestion partagée des activités et des affaires domestiques quotidiennes au sein de la cellule familiale.
B. L’exclusion du critère organique du chef de ménage
Les magistrats européens rejettent l’usage du critère national de chef de ménage qui reviendrait à imposer une condition supplémentaire non prévue par le législateur. L’interprétation uniforme de la directive exclut tout renvoi aux concepts désuets du droit interne des États membres pour définir les bénéficiaires de la libre circulation. Le texte communautaire vise à favoriser l’entrée de tout membre de la famille qui n’est pas couvert par les définitions étroites des membres du noyau familial. L’exigence d’une subordination hiérarchique au sein de la cellule familiale est ainsi écartée au profit d’une approche plus souple et moderne du foyer domestique.
II. La portée de l’exigence d’une communauté de vie stable
A. Une appréciation factuelle globale et rétrospective
L’arrêt précise que la durée de la vie commune constitue un élément essentiel pour évaluer la stabilité du lien personnel unissant le citoyen au demandeur. Cette période doit être déterminée indépendamment de la date à laquelle le membre de la famille a acquis officiellement le statut de citoyen de l’Union. Les autorités nationales sont tenues de prendre en compte la cohabitation antérieure à la naturalisation du protecteur pour apprécier la pérennité de la relation familiale. Une telle approche permet d’éviter que des délais administratifs ne privent les ressortissants européens de leur droit au maintien de l’unité de leur famille.
B. La faveur au maintien de l’unité familiale élargie
La solution retenue s’inscrit dans la volonté de maintenir l’unité de la famille au sens large du terme conformément aux objectifs fixés par le considérant six. La Cour de justice facilite la circulation des citoyens en évitant que des séparations forcées ne dissuadent ces derniers de s’installer dans un autre État membre. Toutefois, les juges limitent cette faveur aux situations où le membre de la famille serait affecté par une impossibilité de rejoindre le ménage du citoyen. Le droit de séjour n’est pas automatique mais dépend d’un examen approfondi de la situation personnelle et de la réalité des attaches familiales.