La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le 16 février 2012 relative aux conditions de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Un assujetti a conclu des contrats de location et de crédit-bail pour deux véhicules automobiles utilisés afin d’assurer les déplacements de son gérant. Les autorités compétentes ont refusé la déduction de la taxe au motif que l’utilisation professionnelle des véhicules n’était pas suffisamment prouvée par l’entreprise. La législation nationale excluait alors le droit à déduction pour les biens destinés à des activités étrangères à l’activité économique de l’assujetti. Le tribunal administratif de Varna a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la compatibilité de ces dispositions nationales. Le litige porte sur l’interprétation des conditions de l’article 168 de la directive 2006/112 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. La question posée est de savoir si le droit à déduction peut être limité pour des véhicules affectés au transport du personnel entre le domicile et le travail. La Cour précise les critères de lien direct avec l’activité économique et distingue le régime des prestations de services de celui des biens d’investissement.
I. La détermination du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée
A. L’exigence d’un lien entre l’acquisition et l’activité économique
L’assujetti bénéficie du droit à déduction dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées. La Cour rappelle que « l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval » est nécessaire. Ce lien est établi lorsque le coût des prestations est incorporé dans le prix des opérations ou dans les frais généraux de l’entreprise. Les déplacements entre le domicile et le lieu de travail servent en principe des besoins privés du salarié et ne sont pas déterminants. Toutefois, des exigences particulières de l’entreprise peuvent commander que l’employeur assure lui-même ce transport à des fins qui ne sont pas étrangères à l’activité. Il appartient dès lors à la juridiction nationale d’apprécier la réalité de ce lien direct au regard de l’ensemble des données de l’espèce.
B. La distinction entre prestation de services et bien d’investissement
La location simple d’un véhicule constitue une prestation de services mais le crédit-bail peut présenter des caractéristiques assimilables à un bien d’investissement. Un contrat est qualifié de location-financement s’il transfère au preneur la majorité des avantages et des risques inhérents à la propriété légale du bien. La Cour considère que l’opération est une acquisition d’investissement si le preneur dispose « des attributs essentiels de la propriété dudit véhicule » à l’échéance du contrat. L’assujetti peut alors choisir d’affecter ce bien en totalité au patrimoine de son entreprise ou de l’intégrer seulement pour son utilisation professionnelle effective. Cette qualification est déterminante car elle modifie l’étendue du droit à déduction initial auquel l’assujetti peut prétendre selon son choix d’affectation patrimoniale.
II. Le régime de l’exercice et des limitations de la déduction
A. La naissance temporelle du droit à déduction
Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe devient exigible, soit lors de la livraison du bien ou de la prestation. Pour une location caractérisée par des paiements successifs, le droit naît à l’expiration de la période à laquelle se rapporte chacun de ces versements. La Cour énonce qu’un véhicule loué est utilisé pour les besoins taxés s’il existe un lien immédiat avec l’activité économique lors de chaque paiement. À l’inverse, l’affectation d’un bien d’investissement au patrimoine de l’entreprise permet une déduction intégrale et immédiate de la taxe sur la valeur ajoutée. Toute utilisation ultérieure pour des besoins privés est alors « assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux » par l’administration fiscale. Le moment de l’exercice du droit dépend donc étroitement de la nature juridique du contrat liant l’assujetti à son fournisseur de véhicules.
B. La validité des exclusions nationales au regard du droit de l’Union
Le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la taxe et ne peut être limité qu’en respectant strictement les dispositions de la directive. Une législation nationale peut exclure la déduction pour les biens destinés à des activités étrangères à l’activité économique sans méconnaître les principes européens. Cette exclusion est conforme si elle se borne à refuser le droit lorsque les conditions nécessaires à son existence ne sont pas réunies. Un État membre ne peut cependant pas refuser la déduction intégrale pour un bien d’investissement que l’assujetti a choisi de traiter comme un bien d’entreprise. Les articles 168 et 176 de la directive s’opposent à une limitation qui priverait l’assujetti de son droit à déduction immédiat pour ces immobilisations. La neutralité fiscale demeure garantie tant que l’exclusion nationale ne fait que traduire l’absence d’utilisation professionnelle réelle des services ou des biens acquis.