Cour de justice de l’Union européenne, le 16 février 2023, n°C-524/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, apporte des précisions majeures sur l’interprétation de la directive 2008/94. Cette décision concerne la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et les modalités de paiement des créances salariales par une institution de garantie.

Le litige trouve son origine dans le refus partiel d’une institution de garantie de couvrir l’intégralité des salaires impayés de plusieurs travailleurs après une faillite. Ces derniers contestaient la période de référence retenue ainsi que les procédures de recouvrement engagées par l’administration pour des sommes versées hors des délais légaux de prescription.

La juridiction de renvoi a donc saisi la Cour afin de déterminer si le droit de l’Union autorise la fixation d’une date de référence unique. Elle s’interrogeait aussi sur la conformité de règles nationales permettant le recouvrement de prestations indûment perçues sans faute avérée des salariés concernés.

La Cour juge que la date d’ouverture de la procédure collective peut constituer le point de départ de la période de garantie sous certaines conditions strictes. Elle limite cependant le droit de l’État membre à recouvrer des sommes versées en l’absence d’abus imputable aux travailleurs lors de la demande initiale.

I. La validation des limitations temporelles de la garantie salariale

A. La licéité de la date d’ouverture de la procédure comme point de référence

L’article 1er de la directive 2008/94 prévoit une protection minimale des travailleurs salariés sans imposer une date de référence unique aux États membres de l’Union. La Cour affirme que les dispositions européennes « ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit que la date de référence… est la date d’ouverture de la procédure ». Cette interprétation préserve la marge de manœuvre nationale tout en garantissant que les créances impayées soient rattachées à une étape précise de la défaillance économique. Le juge européen valide ainsi le choix d’un critère objectif lié au déclenchement formel du traitement judiciaire des difficultés de l’entreprise concernée.

Cette solution permet d’assurer une certaine sécurité juridique pour les institutions de garantie chargées de liquider les créances dues aux salariés lors du processus collectif. La détermination de cette date de référence ne doit cependant pas aboutir à vider de sa substance l’obligation de protection sociale imposée par le droit communautaire.

B. La restriction admissible de la durée de couverture des créances

Les États membres peuvent limiter la charge financière incombant aux institutions de garantie en fixant un plafond temporel pour le versement des rémunérations impayées. L’arrêt précise que le droit européen ne s’oppose pas à une limitation « à une période de trois mois s’inscrivant dans une période de référence » définie par la loi. La Cour valide ainsi un système national qui englobe les trois mois précédant et les trois mois suivant immédiatement l’ouverture officielle de la procédure d’insolvabilité. Cette fenêtre temporelle doit néanmoins respecter le niveau minimal de protection prévu par l’article 4 de la directive afin de ne pas léser excessivement les travailleurs.

Le respect de ce socle minimal de garantie constitue la contrepartie nécessaire à la faculté laissée aux législateurs nationaux de plafonner leurs interventions financières respectives. L’équilibre entre la viabilité des fonds de garantie et la protection des revenus des salariés demeure ainsi au cœur du raisonnement suivi par le juge européen.

II. L’encadrement du recouvrement des sommes indûment versées

A. L’exclusion des mesures de recouvrement automatiques du champ des abus

La directive permet aux États membres de prendre des mesures nécessaires pour éviter les abus, mais cette faculté ne saurait justifier des procédures de recouvrement arbitraires. La Cour souligne que « ne peuvent pas constituer des mesures nécessaires en vue d’éviter des abus… des règles… qui prévoient le recouvrement… hors du délai général de prescription ». Cette protection s’applique de manière impérative « en l’absence de toute action ou omission imputable au travailleur concerné » lors de la perception des sommes litigieuses. Le juge européen refuse ainsi d’assimiler une erreur administrative ou une application tardive de la loi à un comportement frauduleux de la part du salarié.

L’absence de faute du travailleur interdit à l’institution de garantie de se prévaloir de la lutte contre les abus pour contourner les règles habituelles de prescription. Cette interprétation renforce la protection du salarié qui, de bonne foi, a perçu des prestations qu’il pensait légitimement lui être dues pour son travail.

B. L’exigence de conformité aux principes d’équivalence et d’effectivité

Le recouvrement des sommes indûment versées doit s’effectuer selon des modalités qui ne désavantagent pas les travailleurs par rapport aux autres prestations de sécurité sociale. La Cour précise que la directive « s’oppose à l’application d’une réglementation fiscale » si les conditions de recouvrement sont moins favorables que celles du droit de la protection sociale. L’application de pénalités de retard ou d’intérêts élevés ne doit pas rendre « impossible ou excessivement difficile » l’accès effectif à la garantie salariale pour les travailleurs. Le juge impose donc une comparaison rigoureuse entre les différents régimes nationaux de recouvrement afin de garantir une égalité de traitement minimale.

La protection accordée par le droit de l’Union serait compromise si des charges fiscales excessives venaient réduire le montant des créances salariales garanties par les institutions. Les principes d’équivalence et d’effectivité servent ici de rempart contre des pratiques administratives nationales qui porteraient atteinte au niveau minimal de protection sociale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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