Cour de justice de l’Union européenne, le 16 février 2023, n°C-745/21

La Cour de justice de l’Union européenne apporte une précision majeure sur l’articulation des critères de responsabilité prévus par le règlement Dublin III. Cette décision interprète les articles 16 et 17 du texte européen pour définir les obligations des États membres face à des situations familiales complexes.

Une ressortissante de pays tiers a introduit une demande de protection internationale alors qu’elle se trouvait dans un état de grossesse avancé. Son conjoint, père de l’enfant à naître, résidait déjà de manière régulière sur le territoire de l’État membre saisi de la demande.

La procédure nationale a mené le juge à s’interroger sur l’obligation de traiter la demande en raison des liens familiaux unissant les intéressés. Il a donc sollicité la Cour pour savoir si la dépendance familiale imposait une compétence obligatoire ou laissait une marge de manœuvre législative.

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 6 octobre 2025, juge que l’article 16 ne concerne pas les résidents légaux. L’analyse de cette solution impose d’étudier la restriction des obligations de regroupement avant d’envisager la portée de la clause de souveraineté étatique.

I. La limitation du champ d’application des obligations de regroupement familial

A. L’exclusion de la dépendance envers un résident légal

L’article 16 du règlement n° 604/2013 instaure un mécanisme de regroupement impératif fondé sur une relation de dépendance entre le demandeur et un tiers. La Cour précise toutefois que ce dispositif « ne s’applique pas lorsqu’il existe une relation de dépendance » avec un conjoint résidant déjà légalement.

Cette interprétation littérale de la norme européenne préserve la hiérarchie des critères de responsabilité sans étendre indûment les obligations de l’État membre d’accueil. Les juges soulignent que la résidence légale du conjoint ne déclenche pas automatiquement la compétence obligatoire au titre de l’unité familiale classique.

B. L’impossibilité d’invoquer la situation de l’enfant à naître

La juridiction européenne refuse également de reconnaître une relation de dépendance protégée entre le père résidant légalement et l’enfant dont la naissance est à venir. Elle affirme que l’article 16 ne s’applique pas au lien entre « l’enfant à naître de ce demandeur et ce conjoint qui est également le père ».

Le droit de l’Union distingue les droits acquis des situations potentielles pour assurer une application prévisible des critères de détermination de responsabilité. La rigueur de ces exclusions textuelles conduit toutefois la Cour à explorer les marges de manœuvre facultatives offertes aux autorités nationales compétentes.

II. L’autonomie de la clause discrétionnaire fondée sur l’intérêt de l’enfant

A. La validité des contraintes législatives nationales facultatives

L’article 17 du règlement offre aux États membres une clause de souveraineté leur permettant d’examiner une demande même sans responsabilité désignée. La Cour affirme que ce texte « ne s’oppose pas à ce que la législation d’un État membre impose aux autorités nationales » un examen.

La souveraineté nationale peut ainsi transformer une faculté prévue par le droit de l’Union en une obligation juridique interne pour les administrations. Cette décision renforce la capacité des parlements nationaux à instaurer des garanties humanitaires supérieures à celles strictement exigées par le cadre commun européen.

B. La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant à naître

La Cour justifie cette extension de compétence par l’impératif de protection tiré « au seul motif tiré de l’intérêt supérieur de l’enfant » concerné. Elle admet que cet intérêt prévale sur les critères qui désigneraient normalement un autre État membre comme étant responsable de la demande.

Le respect des droits fondamentaux s’insère donc au cœur du mécanisme de Dublin pour tempérer la rigueur des critères techniques de répartition des demandeurs. La protection de l’enfant devient un vecteur d’humanisation du droit européen de l’asile tout en respectant l’autonomie organisationnelle de chaque État membre.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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