La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue en octobre deux mille vingt-cinq, précise les garanties liées au droit d’assister à son procès. Une procédure pénale a été engagée contre un individu soupçonné de participation à une organisation criminelle en vue de commettre diverses infractions fiscales. L’intéressé a reçu personnellement notification d’un acte d’accusation préliminaire lors de la phase d’instruction avant de devenir totalement introuvable pour les autorités. Malgré les recherches approfondies menées par les services compétents, l’acte d’accusation définitif n’a pu lui être remis avant l’ouverture de son procès. Le Tribunal de la ville de Sofia a alors désigné plusieurs avocats d’office qui n’ont jamais réussi à établir le moindre contact avec le prévenu. La juridiction nationale s’interrogeait sur la conformité de sa pratique interne refusant systématiquement la réouverture des débats pour les prévenus déclarés en fuite. La Cour suprême de cassation de Bulgarie maintient en effet une jurisprudence privant du droit à un nouveau procès toute personne fuyant après l’instruction. La juridiction européenne doit déterminer si la connaissance d’une accusation initiale permet de présumer une renonciation volontaire au droit d’assister à l’audience juridictionnelle. Elle juge qu’un tel refus est possible sous réserve que l’intéressé ait été informé des conséquences de son absence et bénéficie d’une défense effective. L’analyse porte d’abord sur la validité du procès par défaut avant d’envisager les limites posées à la déchéance du droit à un nouveau procès.
I. L’encadrement du procès par défaut fondé sur la connaissance de l’accusation
A. La validité de l’information délivrée durant la phase d’instruction
La directive européenne prévoit que les États membres peuvent organiser un procès en l’absence du suspect si celui-ci a été informé en temps utile. La Cour affirme que les règles minimales communes s’appliquent tant aux suspects qu’aux personnes poursuivies indépendamment du stade d’avancement de la procédure pénale. « Les personnes qui sont soupçonnées d’avoir commis une infraction relèvent de ces règles, même si elles ne sont pas encore formellement poursuivies » souligne la juridiction. La notification d’un acte d’accusation préliminaire peut constituer le point de départ d’une information suffisante pour la tenue ultérieure d’un débat contradictoire. Il suffit que le prévenu ait compris que son affaire serait « très probablement portée devant un tribunal » pour que les obligations d’information soient remplies. Cette connaissance préalable permet d’établir un lien entre la volonté de l’individu et son absence lors du jugement définitif sur le fond.
B. La caractérisation de l’intention de se soustraire à l’action de la justice
Le droit à un nouveau procès peut être refusé s’il ressort d’indices précis que l’intéressé a délibérément empêché les autorités de l’informer officiellement. La fuite après la réception des éléments généraux de l’accusation manifeste souvent une volonté claire de se soustraire à l’action normale de la justice. « Ladite personne ne bénéficie pas du droit à un nouveau procès lorsqu’il ressort d’indices précis et objectifs qu’elle fait délibérément en sorte d’éviter » les convocations. Le départ de l’adresse communiquée sans avertir les services compétents constitue un élément matériel fort pour justifier la poursuite des débats en l’absence de l’intéressé. Les juges nationaux doivent toutefois vérifier si les autorités ont déployé des efforts raisonnables pour localiser le prévenu avant de conclure à une renonciation. Cette présomption de comportement délibéré doit s’accompagner de garanties strictes concernant la protection des droits de la défense durant l’instance.
II. Les garanties procédurales limitant la déchéance du droit à un nouveau procès
A. L’exigence d’une information préalable sur les conséquences du défaut
L’exclusion du droit à un nouveau procès exige que le prévenu ait été averti des conséquences juridiques concrètes attachées à son éventuelle absence physique. La Cour précise que l’intéressé doit avoir été informé « en temps utile de ce qu’il s’exposerait à la tenue d’un procès en son absence ». Cette exigence de transparence garantit que la renonciation au droit d’assister à l’audience soit effectuée de manière libre, éclairée et parfaitement non équivoque. Une simple notification des faits reprochés ne suffit pas à valider une condamnation définitive sans possibilité de recours si aucune mise en garde n’existait. La juridiction nationale doit examiner si l’acte reçu initialement mentionnait expressément la possibilité d’un jugement par défaut en cas de fuite du suspect. Le respect du droit à un procès équitable impose une rigueur particulière dans la communication des risques encourus par le justiciable.
B. L’inefficacité de la représentation par un conseil désigné d’office
La présence d’un conseil désigné par le tribunal ne permet pas de satisfaire aux conditions de la directive lorsque tout contact est rompu. La Cour souligne qu’un prévenu n’ayant aucun lien avec son défenseur ne peut être considéré comme représenté par un « avocat mandaté » au sens européen. « L’intéressé doit dans ce cas avoir la possibilité d’obtenir la réouverture du procès ou l’accès à une voie de droit équivalente » après sa localisation. L’effet direct des articles de la directive impose d’écarter toute disposition nationale contraire qui priverait automatiquement le condamné de ce droit fondamental de défense. Les magistrats doivent ainsi privilégier une interprétation conforme aux objectifs de protection des droits de l’homme avant de prononcer une peine par défaut. La primauté du droit de l’Union assure alors une protection effective contre les décisions nationales restreignant de manière excessive les voies de recours pénales.