Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juillet 2015, n°C-369/14

Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel d’une juridiction allemande, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé le champ d’application de la directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques. En l’espèce, un fabricant d’automatismes de portes de garage, dûment enregistré en tant que producteur d’équipements électriques et électroniques, avait engagé une action pour concurrence déloyale à l’encontre d’une société concurrente. Il était reproché à cette dernière de commercialiser des produits similaires sans s’être préalablement fait enregistrer auprès de l’organisme national compétent, en violation de la législation transposant le droit de l’Union. La société défenderesse soutenait que ses produits n’étaient pas des « outils » au sens de la législation applicable, car ils ne transformaient pas la matière mais se contentaient de la mouvoir. Saisi du litige, le Landgericht Köln a sursis à statuer afin d’interroger la Cour de justice.

La question juridique essentielle posée à la Cour était donc de déterminer si des automatismes de portes de garage, conçus pour être intégrés à un bâtiment tout en restant démontables, doivent être qualifiés d’équipements électriques et électroniques, et plus spécifiquement d’outils, au sens des directives 2002/96/CE et 2012/19/UE. Il s’agissait également de savoir si de tels dispositifs pouvaient être exclus du champ d’application de ces textes en tant que « gros outils industriels fixes » ou en tant que partie d’un autre équipement. La Cour de justice juge que de tels automatismes « relèvent des champs d’application respectifs de la directive 2002/96/CE et de la directive 2012/19/UE ».

Pour parvenir à cette solution, la Cour procède à une interprétation extensive de la notion d’outil électrique et électronique (I), tout en appliquant de manière restrictive les exceptions prévues par les textes (II).

I. L’interprétation extensive de la notion d’outil électrique et électronique

La Cour de justice adopte une approche large pour inclure les automatismes de garage dans le champ des directives, en se fondant sur une définition fonctionnelle de l’outil (A) et en rappelant la nature non exhaustive des listes de produits annexées aux directives (B).

A. La consécration d’une définition fonctionnelle de l’outil

Pour déterminer si un automatisme de porte de garage constitue un « outil », la Cour se heurte à l’absence de définition dans les directives. Elle choisit alors de se reporter, de manière classique, « au sens général et communément admis de celui-ci ». Selon cette approche, le terme outil désigne tout objet servant à la réalisation d’une opération ou d’un travail. La Cour en déduit logiquement que des dispositifs qui, « une fois alimentés en électricité, […] permettent, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, d’actionner et de commander des portes de garage, […] constituent des outils électriques ou électroniques au sens desdites directives ». Cette définition fonctionnelle, axée sur l’utilité et l’action du produit, permet d’éviter une approche trop littérale.

La Cour écarte ainsi l’argument de la société défenderesse, qui tentait de restreindre la notion d’outil aux seuls équipements transformant la matière. Elle relève avec pertinence que cette caractéristique n’est pas commune à l’ensemble des produits listés dans les annexes des directives. En effet, « certains de ces produits, tels les outils pour visser ou retirer des vis, ne transforment pas les objets sur lesquels ils agissent directement mais ne font que les mouvoir ». Ce faisant, la Cour confirme que le mouvement ou l’actionnement d’un objet est une finalité suffisante pour qu’un équipement soit qualifié d’outil, ce qui élargit considérablement le champ de la catégorie.

B. La confirmation du caractère indicatif des listes de produits

L’un des points centraux de l’argumentation de la Cour repose sur la portée des listes de produits figurant en annexe des directives. Le fait que les automatismes de portes de garage n’y soient pas expressément mentionnés aurait pu justifier leur exclusion. Cependant, la Cour balaie cette éventualité en affirmant le caractère purement indicatif de ces listes. Pour la directive 2012/19, la démonstration est aisée, le texte précisant lui-même que l’annexe contient une « liste indicative ».

Pour la directive antérieure de 2002, dont la rédaction est moins explicite, la Cour se livre à une analyse textuelle fine. Elle observe que l’article 2, paragraphe 1, de cette directive « prévoit non pas que l’annexe I B de ladite directive comprend “la” liste “des” produits […], mais “une” liste “de” tels produits ». De l’emploi de ces articles indéfinis, elle déduit que la liste est bien indicative et non exhaustive. Cette interprétation, déjà établie pour la directive plus récente, est ainsi étendue à la précédente, assurant une continuité et une cohérence dans l’application des deux textes successifs. En conséquence, l’absence d’un produit dans ces listes n’est jamais un critère suffisant pour l’exclure du champ d’application des directives.

Après avoir ainsi solidement ancré les automatismes de garage dans la catégorie des outils électriques et électroniques, la Cour se penche sur les possibles exceptions qui auraient pu les en soustraire.

II. L’application restrictive des exceptions au champ d’application

La Cour examine successivement les deux exceptions soulevées par la juridiction de renvoi et les écarte l’une après l’autre. Elle rejette d’abord la qualification de gros outil industriel fixe (A), puis refuse de considérer ces automatismes comme un simple composant intégré à un autre équipement (B).

A. Le rejet de la qualification de gros outil industriel fixe

Les directives excluent de la catégorie des « outils électriques et électroniques » les « gros outils industriels fixes ». La Cour analyse cette notion en l’absence de définition précise dans la directive de 2002. Elle retient une acception commune visant « les outils ou les machines de grand gabarit qui sont utilisés dans le cadre d’un processus de fabrication ou de transformation industrielle des produits, sont installés en position statique et ne peuvent normalement pas être déplacés ou enlevés ». À l’évidence, les automatismes de portes de garage ne répondent pas à cette définition, n’étant pas employés dans un contexte de production industrielle.

Pour la directive de 2012, la définition est plus précise et exige que l’équipement soit principalement « utilisé et entretenu par des professionnels dans un centre de fabrication industrielle ou un établissement de recherche et développement ». Les automatismes en cause, destinés à un usage domestique ou professionnel non industriel, ne sauraient davantage correspondre à cette définition. L’exception est donc logiquement et sans difficulté écartée.

B. Le refus de l’exclusion au titre de l’intégration à un autre équipement

L’argument le plus subtil consistait à considérer que les automatismes, en tant que partie d’un équipement plus large non couvert par la directive (le bâtiment), devaient être exclus. La Cour rejette cette vision en s’appuyant fermement sur les finalités des directives. Elle rappelle que les objectifs de protection de l’environnement et de la santé humaine « doivent être interprétés restrictivement ». Une interprétation large des exceptions irait à l’encontre du but recherché par le législateur de l’Union.

Pour la directive de 2002, la Cour estime qu’un équipement « qui, à l’instar des automatismes en cause, peut être démonté ou remonté et/ou ajouté à l’équipement du bâtiment à tout moment, ne saurait échapper au champ d’application de celle-ci ». L’amovibilité et l’autonomie fonctionnelle du produit sont donc les critères déterminants. Concernant la directive de 2012, qui vise les équipements « spécifiquement conçus et installés » pour s’intégrer et ne pouvant fonctionner qu’au sein d’un autre équipement, la Cour se montre encore plus stricte. Elle juge que les automatismes de garage ne sont pas « spécifiquement conçus et installés », car ils « ne sont par conséquent pas conçus pour fonctionner, de manière exclusive, avec certaines portes ». Le fait qu’ils puissent être ajoutés, remplacés et adaptés à différentes portes leur confère une autonomie qui fait obstacle à l’application de l’exception.

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Hassan KOHEN
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