Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juillet 2015, n°C-425/13

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a rendu le seize juillet deux mille quinze un arrêt fondamental sous la référence C-425/13. Le litige s’inscrit dans le cadre de l’ouverture de négociations internationales visant à lier le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. L’institution décisionnelle a autorisé l’ouverture de ces discussions tout en imposant des obligations d’information et des directives de procédure détaillées dans une annexe. Le négociateur de l’Union a contesté la légalité de ces prescriptions, arguant qu’elles portaient atteinte à son autonomie et aux prérogatives reconnues par les traités. Le demandeur sollicitait ainsi l’annulation partielle de la décision, invoquant notamment une violation de l’équilibre institutionnel et du principe de coopération loyale entre les organes. La question posée à la juridiction concernait la faculté de l’autorité de décision d’imposer des modalités de rapport périodique et de définir des orientations contraignantes. La Cour juge que l’exigence d’information est conforme au devoir de coopération, mais elle censure la possibilité d’imposer des positions de négociation détaillées au négociateur. Cette décision repose sur une distinction entre le suivi politique légitime des pourparlers et l’empiètement illégal sur la conduite effective des négociations par l’institution compétente.

I. La consécration d’une coopération institutionnelle fondée sur l’obligation d’information

A. La reconnaissance de la nature décisoire des directives de négociation

L’examen de la recevabilité du recours a permis à la juridiction de préciser la portée juridique des actes préparatoires adoptés dans le cadre conventionnel. L’institution défenderesse contestait la possibilité d’attaquer des directives de négociation, estimant que ces dernières ne constituaient pas des actes produisant des effets de droit autonomes. La Cour rappelle cependant que le recours en annulation doit être ouvert à l’égard de toutes les dispositions visant à produire des effets juridiques. Elle souligne que les directives litigieuses décrivent une procédure précise que l’autorité décisionnelle « entendait manifestement imposer » au négociateur de l’Union lors des discussions. La substance de l’acte prime ainsi sur sa forme, dès lors que les prescriptions sont de nature à lier les institutions dans leurs rapports mutuels. Cette approche extensive garantit le respect de la légalité et permet un contrôle juridictionnel efficace sur les modalités d’exercice des compétences déléguées par les traités.

B. La validation du contrôle politique par le partage régulier de l’information

Le rejet de la demande d’annulation concernant l’obligation de rapport périodique s’appuie sur le principe fondamental de coopération loyale entre les institutions de l’Union. La juridiction estime que l’organe de négociation doit fournir les informations nécessaires pour permettre à l’autorité de décision de suivre efficacement l’évolution des discussions internationales. Cette exigence est jugée « conforme à l’article 218, paragraphes 2 et 4 » du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le partage des orientations défendues par les autres parties est indispensable pour que l’institution investie du pouvoir de conclusion puisse apprécier le projet d’accord final. La transparence renforce la cohésion de l’action extérieure tout en respectant les limites des attributions conférées à chaque organe dans le processus de conclusion. Cette nécessaire concertation ne doit toutefois pas aboutir à une mise sous tutelle du négociateur, dont l’autonomie fonctionnelle bénéficie également d’une protection juridictionnelle rigoureuse.

II. La préservation de l’autonomie décisionnelle du négociateur de l’Union

A. La limitation du rôle du comité spécial à une fonction consultative

La Cour apporte une clarification majeure sur la portée des attributions du comité chargé d’assister le négociateur durant la phase active des discussions internationales. Elle rappelle que la mission de cet organe consiste uniquement à formuler des avis et des indications techniques sur la teneur des pourparlers en cours. Le négociateur est tenu de mener les discussions « en consultation avec ce comité », ce qui implique un dialogue constant mais exclut tout lien de subordination. La juridiction précise que la fonction consultative assignée par les traités ne saurait être étendue sans méconnaître les équilibres fondamentaux établis par le droit primaire. L’organe de négociation conserve donc la maîtrise de la stratégie diplomatique et des compromis techniques nécessaires à l’aboutissement des échanges avec les États tiers. Le respect de cette sphère de compétence exclusive interdit au comité de se transformer en un organe de direction occulte pilotant directement les sessions de négociation.

B. La sanction de l’établissement de positions de négociation contraignantes

L’annulation des dispositions litigieuses sanctionne la tentative de l’institution décisionnelle de dicter précisément le contenu des engagements pris par le négociateur avant chaque session. La juridiction considère que l’établissement de « positions de négociation détaillées » par un comité ou par l’autorité de décision elle-même outrepasse les compétences prévues. Une telle pratique tend à lier le négociateur de manière impérative, ce qui est jugé « contraire à l’article 218, paragraphe 4 » du traité précité. L’institution décisionnelle viole l’obligation d’agir dans les limites de ses attributions lorsqu’elle cherche à imposer une ligne de conduite rigide durant la phase diplomatique. L’arrêt consacre ainsi l’indépendance opérationnelle de l’organe chargé de la représentation extérieure, tout en censurant toute forme d’empiètement sur ses prérogatives constitutionnelles propres. La séparation des pouvoirs garantit que l’institution qui négocie dispose de la marge de manœuvre indispensable pour défendre au mieux les intérêts globaux de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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