Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juillet 2020, n°C-550/18

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa grande chambre, a rendu le 16 juillet 2020 une décision fondamentale relative au manquement d’un État membre. Le litige porte sur la transposition tardive de la directive 2015/849 visant à prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux. Le législateur européen avait fixé l’échéance de mise en œuvre au 26 juin 2017, délai que les autorités nationales n’ont manifestement pas respecté. L’institution européenne a donc adressé un avis motivé le 8 mars 2018, accordant deux mois supplémentaires pour régulariser la situation juridique interne. Face à l’absence de mesures complètes, un recours a été introduit devant la juridiction de Luxembourg afin de constater l’infraction. La procédure a révélé que la transposition n’était devenue intégrale qu’une semaine seulement avant la tenue de l’audience devant la Cour. Le problème juridique réside dans l’application des sanctions financières prévues à l’article 260 paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La juridiction devait déterminer si l’adoption tardive des mesures nationales pouvait faire obstacle à l’imposition d’une somme forfaitaire par le juge européen. La Cour conclut à l’existence du manquement et condamne l’État membre au paiement d’une somme forfaitaire s’élevant à deux millions d’euros.

I. Une appréciation rigoureuse du manquement à l’obligation de transposition

L’existence d’une infraction au droit de l’Union s’apprécie exclusivement en fonction de la situation existante au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus postérieurement à cette date butoir ne peuvent être pris en compte pour exonérer la responsabilité de l’autorité nationale défaillante. La Cour rappelle que le respect des délais de transposition est une condition indispensable de l’efficacité de l’ordre juridique européen. En l’espèce, les mesures nécessaires pour assurer la transposition intégrale de la directive n’ont été communiquées que très tardivement après l’introduction du recours.

A. L’examen du manquement au jour de l’échéance de l’avis motivé

La juridiction constate que l’État membre n’avait adopté qu’une seule mesure de transposition concernant les bénéficiaires effectifs à l’expiration du délai imparti. Les autorités nationales reconnaissent elles-mêmes que la transposition complète n’était pas réalisée au 8 mai 2018, date de fin de l’avis motivé. La Cour rejette les arguments fondés sur la complexité de la procédure législative interne ou sur l’existence de difficultés techniques particulières. Ces circonstances nationales ne sauraient justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des directives de l’Union européenne.

B. L’obligation de communication formelle et référencée des mesures nationales

L’obligation de communiquer des mesures de transposition impose aux autorités nationales de transmettre des informations suffisamment claires et précises sur la mise en œuvre. La Cour exige un acte positif de transposition contenant une référence expresse à la directive concernée afin de satisfaire à l’impératif de sécurité juridique. Des dispositions nationales préexistantes ne peuvent suffire si elles ne sont pas accompagnées d’un tableau de correspondance ou d’une référence officielle explicite. Le juge européen écarte les arguments invoquant une transposition partielle ou implicite qui ne respecterait pas ces conditions de forme strictes.

II. Un encadrement judiciaire du mécanisme de sanction pécuniaire

L’institution requérante dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour solliciter des sanctions pécuniaires lors d’un recours pour manquement à l’obligation de communication. Ce pouvoir n’est pas limité aux cas d’absence totale de transposition mais s’étend aux communications partielles ou tardives des autorités nationales. La Cour précise que l’institution n’est pas tenue de motiver au cas par cas l’opportunité de demander une sanction financière précise. Cette autonomie procédurale vise à renforcer l’effet dissuasif du mécanisme et à garantir une application rapide des règles communes.

A. La consécration du pouvoir discrétionnaire de l’institution requérante

La Cour souligne que l’absence de motivation individuelle par la Commission n’affecte pas les garanties procédurales dont bénéficient les États membres de l’Union. Le pouvoir de l’institution de proposer une sanction est analogue à celui d’engager ou non une procédure d’infraction classique. La juridiction de Luxembourg conserve toutefois la compétence exclusive pour infliger une amende et doit motiver sa décision au terme d’un débat contradictoire. Cette interprétation garantit les prérogatives de l’institution tout en préservant le rôle judiciaire de contrôle de la proportionnalité des sanctions.

B. La détermination d’une sanction forfaitaire proportionnée et dissuasive

La fixation de la somme forfaitaire relève de l’appréciation souveraine du juge qui tient compte de la gravité et de la durée de l’infraction. Le montant doit être adapté aux circonstances de l’espèce tout en respectant la capacité financière de l’autorité nationale condamnée par l’arrêt. La Cour rappelle que le paiement d’une somme forfaitaire repose sur l’évaluation des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts publics. L’amende de deux millions d’euros reflète la persistance du manquement durant trente mois malgré la coopération continue des services administratifs nationaux.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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