Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juillet 2020, n°C-686/18

La Cour de justice de l’Union européenne a statué le 16 juillet 2020 sur la conformité de réformes nationales touchant les banques populaires coopératives. Cette décision porte sur l’articulation entre les exigences prudentielles européennes, la liberté d’établissement et le droit de propriété des associés au sein de ces structures. Un État membre a imposé un plafond d’actifs aux banques populaires, exigeant leur transformation en sociétés par actions ou leur liquidation en cas de dépassement. Parallèlement, le pouvoir de limiter le remboursement des parts sociales des membres sortants a été accordé aux organes de direction de ces banques. Plusieurs recours ont été formés devant le Conseil d’État de Rome pour contester la légalité de ces mesures contraignantes affectant le statut des associés. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité de ces dispositions avec le règlement n° 575/2013 et la libre circulation des capitaux. Les demandeurs soutiennent que ces restrictions lèsent leurs intérêts financiers alors que l’État invoque la nécessaire stabilité du système bancaire national. Le litige porte sur la faculté d’un législateur national de restreindre le droit au remboursement des associés et de contraindre la forme sociale des banques. La Cour juge que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ces restrictions si elles sont nécessaires au maintien de la solidité prudentielle. Elle valide également le plafonnement des actifs sous réserve que ces mesures n’excèdent pas les objectifs d’intérêt général poursuivis par la législation.

I. La validité des limitations de remboursement des instruments de fonds propres

A. La préservation de la solvabilité bancaire par la restriction du retrait

L’article 29 du règlement n o 575/2013 définit les conditions strictes permettant de qualifier des instruments de capital comme fonds propres de base de catégorie 1. La Cour souligne que ces instruments doivent permettre à l’établissement de crédit de différer ou de limiter le remboursement pour assurer sa stabilité financière permanente. Une réglementation nationale peut ainsi autoriser une banque coopérative à refuser le remboursement des parts de l’associé qui exerce son droit de retrait. Cette faculté garantit que les fonds propres conservent un caractère permanent et absorbent efficacement les pertes éventuelles subies par l’institution. Les autorités nationales disposent d’une marge de manœuvre pour encadrer le retrait des capitaux afin d’éviter une décapitalisation soudaine des banques populaires.

B. L’exigence de proportionnalité au regard de la situation prudentielle

Le juge européen rappelle toutefois que ces limitations ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par la Charte des droits fondamentaux. Il incombe à la juridiction nationale de vérifier que les limites décidées « ne dépassent pas ce qui est nécessaire, au regard de la situation prudentielle desdites banques ». La protection des déposants et la stabilité du système financier constituent des objectifs d’intérêt général justifiant des restrictions mesurées aux droits individuels des associés. Cette solution consacre la primauté de la stabilité financière sur les intérêts financiers immédiats des associés en période de tensions prudentielles ou de restructuration. La Cour exige une vérification concrète des éléments de solvabilité pour valider l’exercice de cette faculté discrétionnaire par les banques populaires.

II. La conformité de l’encadrement structurel des banques coopératives

A. La légitimité du plafonnement des actifs face à la libre circulation

L’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers. La fixation d’un plafond d’actifs contraignant les banques populaires à changer de statut juridique constitue une entrave potentielle à la liberté de circulation. Cette mesure est néanmoins admissible si elle est propre à garantir la réalisation d’objectifs d’intérêt général tels que la transparence et la bonne gouvernance. Les restrictions imposées doivent rester cohérentes avec la volonté de prévenir les risques systémiques au sein du marché bancaire national et européen. Le législateur national peut ainsi limiter la taille des banques sous forme coopérative pour assurer une surveillance adaptée à leur importance économique.

B. La nécessité d’une transformation statutaire pour la stabilité financière

La transformation forcée en société par actions vise à assurer une gestion plus efficace des risques liés à la taille importante des actifs bancaires manipulés. La Cour précise que cette réglementation ne doit pas excéder « ce qui est nécessaire pour atteindre » les objectifs de stabilité financière et de concurrence équitable. Le juge national doit s’assurer que les moyens mis en œuvre sont proportionnés aux risques identifiés lors de l’adoption de la réforme législative. L’arrêt confirme que le modèle coopératif n’est pas protégé contre des mutations structurelles imposées par l’évolution des risques et des exigences du marché unique. Cette approche fonctionnelle permet d’ajuster le cadre juridique des établissements de crédit à leur impact réel sur la stabilité macroéconomique de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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