La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 16 juillet 2020, précise les contours du champ d’application matériel du règlement sur la compétence judiciaire. Le litige concerne la revente habituelle de titres d’accès à des manifestations pour un prix supérieur au montant initialement fixé par l’organisateur. Une autorité publique a saisi le juge national afin d’ordonner la cessation de ces pratiques commerciales jugées déloyales par la législation d’un État membre. Les défendeurs ont soulevé une exception d’incompétence en soutenant que le demandeur agissait dans l’exercice de la puissance publique au sens du droit européen. Le tribunal de commerce d’Anvers a accueilli cette exception par un jugement du 25 octobre 2017 en excluant la matière civile et commerciale. La cour d’appel d’Anvers a sursis à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de l’article premier du règlement numéro 1215/2012. Il convient de déterminer si l’action d’une autorité étatique visant la protection des consommateurs relève d’un rapport de droit privé malgré son origine administrative. La juridiction européenne affirme que cette action intègre le champ du droit civil tout en écartant les demandes impliquant des prérogatives manifestement régaliennes.
I. La reconnaissance du caractère civil d’une action publique de régulation
L’interprétation de la notion de matière civile et commerciale doit être effectuée de manière autonome et indépendante des qualifications retenues par les différents ordres juridiques nationaux. Cette approche garantit l’égalité des droits et des obligations découlant du règlement pour l’ensemble des justiciables résidant sur le territoire de l’Union.
A. Une conception finaliste du rapport juridique
Le juge européen souligne que la protection des intérêts collectifs des consommateurs s’inscrit dans un cadre juridique régi par des principes de droit privé. « L’action relative à l’interdiction pour les commerçants d’utiliser des clauses abusives » tend ainsi à soumettre au contrôle du juge des relations contractuelles classiques. La finalité de l’action prime sur la qualité des parties dès lors que le litige porte sur des pratiques commerciales déloyales entre professionnels. Cette qualification large permet d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur en évitant des décisions irréconciliables entre les différents tribunaux des États membres.
B. L’assimilation de l’autorité publique à un acteur privé
La Cour observe que la situation procédurale de l’organisme étatique est comparable à celle d’une association de défense des intérêts collectifs des citoyens. Le législateur national n’a pas conféré au demandeur des conditions de recours exorbitantes par rapport à celles prévues pour les simples acteurs du marché. « La défense de l’intérêt général ne saurait être confondue avec l’exercice de prérogatives de puissance publique » selon l’analyse rigoureuse formulée par les magistrats. Le recours à des preuves recueillies par des agents assermentés ne suffit pas à exclure le litige de la sphère civile et commerciale habituelle.
II. Les limites posées par l’exercice effectif de la puissance publique
L’analyse de la Cour distingue soigneusement les mesures de contrainte classiques des pouvoirs unilatéraux de constatation qui caractérisent les actes de l’autorité publique souveraine. Cette distinction est essentielle pour maintenir la cohérence du régime de reconnaissance et d’exécution des décisions de justice au sein de l’espace judiciaire européen.
A. L’admission des mesures d’exécution accessoires
Les demandes tendant à la publication de la décision ou au prononcé d’une astreinte constituent des mesures usuelles de la procédure civile de chaque État. Ces outils visent uniquement à assurer l’efficacité de l’injonction de cessation sans modifier la nature privée du rapport juridique initialement soumis au juge national. « Les demandes tendant à ce que soient ordonnées des mesures de publicité et à ce que soit imposée une astreinte » sont alors acceptées. Le règlement s’applique pleinement à ces chefs de demande qui renforcent la protection juridictionnelle effective des consommateurs lésés par les pratiques litigieuses.
B. L’éviction des prérogatives exorbitantes du droit commun
Le juge européen écarte toutefois du champ d’application la demande visant à constater les infractions futures par simple procès-verbal rédigé par un fonctionnaire. Une telle faculté confère à l’autorité publique un pouvoir qui déroge manifestement aux règles de preuve applicables dans les relations entre les simples particuliers. « Cette demande porte en réalité sur des pouvoirs exorbitants » qui relèvent de la puissance publique et non de la matière civile ou commerciale. La Cour consacre ici une dissociation des demandes permettant de conserver la compétence internationale pour le principal tout en isolant les actes régaliens.