Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juillet 2020, n°C-97/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 16 juillet 2020, précise l’interprétation de l’article 78 du code des douanes communautaire. Ce litige porte sur la faculté pour un opérateur de rectifier les informations relatives à la qualité du déclarant après la mainlevée des marchandises importées.

Une société établie en Roumanie acquiert du sucre de canne et mandate sa société mère pour accomplir les formalités douanières nécessaires à l’entrée sur le territoire. La société mandataire souscrit la déclaration en son nom propre sans indiquer qu’elle agit en réalité pour le compte de sa filiale détentrice du certificat. Le bureau principal des douanes de Cologne refuse l’application d’un tarif préférentiel au motif que l’identité du déclarant ne correspond pas à celle inscrite sur le titre. La société requérante sollicite alors la révision de sa déclaration afin de mentionner l’existence d’un mandat de représentation indirecte liant les deux entités juridiques. Le tribunal des finances de Düsseldorf décide de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la légalité d’une telle modification rétroactive des données.

Le problème juridique porte sur la possibilité pour les autorités douanières de rectifier une déclaration afin de faire apparaître une représentation indirecte omise lors du dépôt initial. Les juges de Luxembourg considèrent que l’article 78 paragraphe 3 permet d’accueillir une telle demande de révision lorsque les éléments initiaux résultent d’une erreur d’interprétation du droit. L’analyse de la portée de cette faculté de rectification précédera l’étude des garanties nécessaires à la préservation des intérêts financiers de l’Union européenne.

I. L’ouverture de la révision aux erreurs sur la qualité du déclarant

A. Une interprétation large des éléments susceptibles de rectification

La juridiction européenne rappelle que l’article 78 du code des douanes ne distingue pas entre les types d’erreurs ou d’omissions susceptibles de faire l’objet d’une correction. Les termes « éléments inexacts ou incomplets » doivent ainsi s’entendre comme couvrant tant les erreurs matérielles que les erreurs relatives à l’interprétation du droit applicable. La Cour souligne que le libellé de cette disposition ne fait pas obstacle au droit des autorités douanières d’adopter les mesures nécessaires pour rétablir la situation. Cette souplesse permet d’inclure les informations ayant trait à la personne du déclarant parmi les données pouvant être modifiées après la mainlevée des marchandises. L’absence de restriction textuelle spécifique autorise donc la prise en compte de nouveaux éléments de fait ou de droit fournis postérieurement à la déclaration.

B. Le pouvoir d’appréciation des autorités douanières

L’examen d’une demande de révision par l’administration douanière est soumis à une appréciation souveraine portant sur le principe et sur le résultat de la procédure. Les autorités doivent vérifier la possibilité de contrôler la réalité des énonciations contenues dans la déclaration initiale ainsi que les justificatifs produits lors de la demande. Si une révision s’avère possible, les services compétents sont tenus de procéder à la régularisation sollicitée ou de rejeter la requête par une décision dûment motivée. L’arrêt précise que le large pouvoir d’appréciation dont disposent les autorités doit s’exercer dans le respect de l’économie générale de la réglementation douanière européenne. Le juge national doit donc s’assurer que le mandataire était en mesure de présenter le pouvoir de représentation dès l’accomplissement des premières formalités d’importation.

II. La recherche de la réalité économique au-delà de l’erreur matérielle

A. L’objectif fondamental d’alignement sur la situation réelle

L’essence de l’article 78 du code des douanes réside dans la volonté constante d’ « aligner la procédure douanière sur la situation réelle » de l’opération commerciale. La Cour de justice considère que la modification de la qualité du déclarant participe à la conformité du traitement douanier avec les faits économiques sous-jacents. Cette approche privilégie la substance de la transaction sur le formalisme rigide qui aurait pu découler d’une application stricte des règles de représentation immédiate. Le rétablissement de la situation réelle ne doit toutefois pas conduire à méconnaître l’obligation de publicité explicite du pouvoir de représentation prévu au code. La décision permet ainsi de corriger une erreur d’interprétation sans pour autant valider une création de mandat a posteriori qui n’aurait aucune réalité factuelle.

B. La préservation des intérêts financiers et la lutte contre la fraude

La faculté de rectifier la désignation du déclarant est strictement encadrée par l’impératif de prévention des fraudes ou des irrégularités préjudiciables au budget de l’Union. La Cour observe que la modification visant à faire état d’une représentation indirecte ne confère aucun avantage indu à l’opérateur économique qui remplit les critères. Cette correction permet simplement au titulaire réel du certificat d’importation de bénéficier des droits auxquels il aurait pu prétendre dès le dépôt de la déclaration. Le risque de non-paiement de la dette douanière demeure par ailleurs limité puisque la rectification rend solidairement débiteurs le mandataire initial et la personne représentée. Les autorités douanières conservent la possibilité de refuser la révision si les éléments à vérifier nécessitent un contrôle physique des marchandises devenu impossible après mainlevée.

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Hassan KOHEN
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