Le 16 juin 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions de séjour des membres de la famille d’un travailleur turc. Une ressortissante turque a rejoint ses parents installés régulièrement sur le territoire d’un État membre en 1999 au titre d’un regroupement familial autorisé. L’intéressée a contracté un mariage en 2000 tout en maintenant sa résidence effective au domicile de ses parents pendant une période de cinq années. Les autorités compétentes ont retiré son permis de séjour avec effet rétroactif en considérant que le mariage rompait le lien familial nécessaire au droit. La juridiction nationale a introduit un recours et sollicité une interprétation préjudicielle concernant la compatibilité de cette réglementation avec la décision d’association. Le juge européen doit déterminer si le mariage d’un membre de la famille fait perdre ses droits malgré le maintien de la cohabitation effective. La Cour juge que le mariage est sans incidence sur le droit de séjour dès lors que la vie commune avec le travailleur persiste.
I. L’affirmation de la primauté de la cohabitation sur le statut matrimonial
A. Le caractère déterminant de la résidence effective auprès du travailleur
L’article 7 de la décision n° 1/80 conditionne l’obtention d’un droit de séjour à la présence régulière d’un membre de la famille auprès d’un travailleur. La jurisprudence exige que le regroupement familial « se matérialise par la cohabitation des intéressés » jusqu’à l’acquisition d’une faculté de mener une existence indépendante. La requérante a habité sans interruption au domicile de ses parents pendant une période de plus de trois années après son admission sur le territoire. Cette résidence ininterrompue en communauté domestique répond parfaitement aux exigences de l’objectif de regroupement familial poursuivi par le système d’intégration progressive des migrants. Le mariage contracté durant cette période n’altère pas la réalité physique de la présence auprès du travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi.
B. L’encadrement de la marge de manœuvre des autorités nationales compétentes
Les États membres conservent une compétence pour réglementer le séjour des membres de la famille durant la phase intermédiaire de trois années de résidence. Ils ne peuvent toutefois pas adopter des mesures de nature à entraver le statut juridique expressément reconnu par le droit de l’association internationale. La réglementation nationale litigieuse prévoyait le retrait automatique du permis de séjour dès lors que l’enfant majeur contractait mariage ou s’engageait dans une relation. Une telle disposition excède manifestement les limites autorisées car elle ajoute une condition restrictive absente du texte général et inconditionnel de la décision précitée. Le juge européen rappelle que « les États membres ne sauraient modifier unilatéralement la portée du système d’intégration progressive » en imposant des critères purement formels.
II. La sauvegarde de la finalité d’intégration des ressortissants turcs
A. La limitation stricte des motifs de perte du droit de séjour
Le droit de séjour acquis par un membre de la famille ne peut être remis en cause que pour des motifs de sécurité publique. La jurisprudence établit une liste limitative des cas de perte des droits incluant également le départ prolongé du territoire sans motifs légitimes d’absence. Le mariage d’un ressortissant devenu majeur ne figure pas parmi ces exceptions et reste dépourvu de pertinence au regard du maintien du bénéfice acquis. La Cour souligne que « la circonstance que l’intéressé est majeur n’a aucune incidence sur les droits qu’il a acquis » au titre de l’association. Cette interprétation garantit la stabilité juridique des situations acquises par les ressortissants étrangers contre les immixtions imprévisibles des législations nationales en matière d’immigration.
B. La consolidation du statut juridique en vue d’une autonomie professionnelle
Le système mis en place vise à favoriser l’insertion durable de la famille dans l’État d’accueil par une autonomisation progressive des membres concernés. L’objectif est de permettre au membre de la famille d’accéder au marché du travail pour renforcer ainsi l’insertion durable de la famille. L’interprétation donnée confirme que « l’État membre n’est plus en droit d’assortir de quelque condition que ce soit le séjour sur son territoire ». La décision commentée assure la pleine effectivité des droits en protégeant le parcours d’intégration entamé par le ressortissant turc autorisé à résider. Le maintien de la cohabitation effective constitue la seule garantie nécessaire pour assurer le plein respect de l’esprit et de la finalité de la norme.