Cour de justice de l’Union européenne, le 16 juin 2016, n°C-159/15

Le 16 juin 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision fondamentale concernant l’application du principe de non-discrimination selon l’âge biologique. Un travailleur a exercé des fonctions sous contrat d’apprentissage avant sa majorité légale pour une administration publique avant de devenir un fonctionnaire de l’État. L’intéressé a sollicité la prise en compte de ces années de jeunesse afin de revaloriser le montant final de sa propre pension de retraite. Le service compétent a rejeté cette demande en se fondant sur une législation nationale excluant les périodes antérieures à la dix-huitième année du bénéficiaire. Saisie du litige, la Cour administrative d’Autriche a décidé de solliciter une décision préjudicielle le 25 mars 2015 pour interpréter les dispositions européennes protectrices. La question posée tend à savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation refusant de comptabiliser l’expérience acquise avant la majorité légale. La juridiction européenne a jugé que cette différence de traitement n’est pas contraire à la directive si elle garantit la fixation uniforme d’un âge d’adhésion. L’examen de l’existence d’une différence de traitement précédera l’analyse de sa validation éventuelle au titre des dérogations prévues pour les régimes de retraite.

**I. La caractérisation d’une différence de traitement fondée sur l’âge**

La juridiction souligne d’abord que les règles nationales relatives au calcul des pensions de retraite affectent directement les conditions de rémunération des fonctionnaires publics.

**A. L’application du principe de non-discrimination au domaine des pensions**

La directive portant création d’un cadre général pour l’égalité de traitement s’applique aux conditions d’emploi, incluant nécessairement les éléments constitutifs de la rémunération différée. Les prestations de vieillesse versées par un régime de retraite de la fonction publique entrent ainsi dans le champ d’application matériel de la législation européenne. Le juge rappelle que le principe d’égalité implique l’absence de toute discrimination, directe ou indirecte, fondée notamment sur le critère de l’âge biologique. En l’espèce, la réglementation exclut systématiquement les périodes de travail effectuées par les agents avant qu’ils n’atteignent l’âge de dix-huit ans révolus. Cette exclusion automatique crée une distinction claire entre les agents ayant acquis leur expérience précocement et ceux ayant débuté leur carrière après leur majorité. La situation des fonctionnaires est ainsi examinée au regard de la comparabilité de leur parcours professionnel indépendamment de la date de naissance des intéressés.

**B. La reconnaissance d’une discrimination directe selon l’âge**

La Cour constate qu’un traitement moins favorable est réservé aux personnes dont l’expérience a été acquise, même partiellement, avant l’âge de dix-huit ans. Cette règle nationale « instaure une différence de traitement entre les personnes en fonction de l’âge auquel elles ont acquis leur expérience professionnelle » de manière manifeste. Le critère utilisé par le législateur repose exclusivement sur un seuil temporel lié à la vie de l’individu, ce qui caractérise une discrimination. La juridiction précise que cette disposition peut léser deux agents ayant suivi des études identiques simplement en raison de l’âge lors du début d’activité. Cette différence de traitement doit cependant être confrontée aux dérogations prévues par le droit de l’Union afin de vérifier sa conformité finale aux exigences sociales. Le raisonnement juridique conduit alors à examiner la validité des objectifs poursuivis par l’État membre pour justifier une telle rupture d’égalité de traitement.

**II. La validation de la mesure au titre des régimes professionnels de sécurité sociale**

La Cour examine la portée de l’exception permettant de fixer des âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite pour certains systèmes de protection.

**A. L’interprétation restrictive des exceptions prévues par la directive**

L’article 6 de la directive permet aux États membres de prévoir des différences de traitement si elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif. La juridiction relève toutefois que les dérogations au principe fondamental de non-discrimination doivent impérativement faire l’objet d’une interprétation stricte par le juge compétent. L’exception spécifique concernant les régimes professionnels de sécurité sociale ne s’applique qu’aux systèmes couvrant les risques de vieillesse ou d’invalidité selon la jurisprudence constante. La Cour vérifie si le régime de retraite des fonctionnaires répond aux critères d’un régime professionnel tel que défini par le droit dérivé européen. Elle conclut que ce système remplace le régime légal général en fournissant des prestations équivalentes à une catégorie spécifique de travailleurs groupés par secteur professionnel. L’application de la dérogation nécessite une analyse rigoureuse des éléments expressément mentionnés dans le texte de la directive pour écarter tout risque d’arbitraire étatique.

**B. La justification par la fixation uniforme d’un âge d’adhésion**

La mesure litigieuse vise à garantir la fixation uniforme d’un âge d’adhésion au régime de retraite ainsi qu’un âge d’admissibilité aux prestations futures. La Cour affirme que la directive ne s’oppose pas à une réglementation excluant les périodes d’apprentissage accomplies avant la majorité pour le calcul du droit. Cette solution se fonde sur la liberté des États membres de structurer leurs régimes professionnels de sécurité sociale en utilisant des critères d’âge cohérents. La juridiction énonce que cette pratique n’est pas discriminatoire « dans la mesure où cette réglementation vise à garantir la fixation uniforme » d’un seuil d’accès. L’objectif de sécurité juridique et de stabilité financière des régimes de retraite justifie ainsi le maintien d’un cadre temporel rigide pour l’acquisition des droits. La solution finale consacre la primauté de l’organisation technique des systèmes de prévoyance collective sur la revendication individuelle d’une prise en compte exhaustive du passé.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture