Le 16 décembre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur la compatibilité de mesures fiscales nationales avec le droit de l’Union. Le litige concernait le refus de remboursement d’une retenue à la source opérée sur des dividendes versés à une société établie dans un autre État membre. Cette entité détenait une participation minoritaire au sein d’une structure résidente, soumise à une imposition immédiate au taux de vingt pour cent. La législation nationale subordonnait le remboursement de cet impôt à la preuve que la somme ne pouvait être imputée ou reportée dans l’État de résidence. Saisi par le Tribunal des finances de Cologne, le juge européen devait déterminer si ces exigences probatoires constituaient une restriction prohibée par l’article 63 du Traité. La juridiction conclut qu’une telle disposition s’oppose à la libre circulation des capitaux car elle impose des conditions plus strictes aux seuls investisseurs non-résidents. L’analyse de cette solution nécessite d’étudier la caractérisation de la restriction avant d’envisager l’absence de justifications admises par la Cour.
I. La caractérisation d’une restriction à la libre circulation des capitaux
A. L’existence d’un traitement fiscal discriminatoire entre résidents et non-résidents
La Cour rappelle que constituent des restrictions les mesures « de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ». En l’espèce, les sociétés résidentes bénéficient d’une imputation intégrale de la retenue à la source sur leur impôt national ou d’un remboursement immédiat du surplus. À l’inverse, les sociétés non-résidentes doivent démontrer l’impossibilité d’imputer cette charge à l’étranger pour espérer obtenir la restitution des sommes prélevées à la source. Cette exigence supplémentaire rend l’exercice du droit au remboursement plus complexe pour les entités établies hors du territoire national de l’État distributeur. Les deux catégories de sociétés se trouvent pourtant dans une situation comparable dès lors que l’État exerce sa compétence fiscale sur les bénéfices distribués. Cette différence de traitement nécessite d’analyser si les mécanismes conventionnels parviennent à rétablir l’équilibre entre les contribuables.
B. L’insuffisance de la neutralisation conventionnelle du désavantage fiscal
L’objectif d’assurer un traitement équivalent peut être atteint par une convention tendant à éviter la double imposition conclue entre les États membres concernés. L’application de cet accord doit cependant permettre de « compenser intégralement les effets de la différence de traitement issue de la législation nationale » pour être valide. La convention préventive limite ici le taux de retenue à quinze pour cent mais l’imputation reste bornée par le montant de l’impôt étranger calculé. Un tel mécanisme ne garantit pas la neutralisation du désavantage car l’imputation intégrale dépend de variables extérieures aux règles fiscales de l’État de la source. La Cour juge que la déduction de l’assiette ou le report d’imputation ne constituent pas des mesures suffisantes pour effacer l’entrave initiale. L’entrave étant établie, il convient alors d’examiner les éventuelles justifications avancées par l’État membre pour maintenir une telle législation.
II. L’absence de justification de l’entrave à la liberté de mouvement
A. L’écartement de l’argument tiré de la répartition du pouvoir d’imposition
La préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une mesure restrictive du marché intérieur. Ce motif ne peut toutefois justifier l’imposition de sociétés non-résidentes lorsque l’État a choisi de neutraliser intégralement la charge fiscale pour les résidents. L’État membre a exercé sa compétence fiscale sur l’ensemble des dividendes distribués tout en exonérant, en pratique, les structures établies sur son propre territoire. La Cour considère que la volonté de protéger les recettes fiscales ne saurait autoriser une discrimination fondée sur le lieu d’établissement du bénéficiaire. La restriction ne peut donc être validée sous le couvert d’une répartition souveraine des compétences entre les administrations fiscales de l’Union. Au-delà de la souveraineté fiscale, la nécessité d’éviter un cumul d’avantages doit également être confrontée au principe de cohérence.
B. L’incohérence de l’objectif de prévention de la double prise en compte de l’impôt
Le gouvernement invoquait la nécessité d’éviter une double prise en compte de la retenue à la source au niveau des actionnaires directs ou indirects. La Cour relève l’absence de cohérence du système puisque cette vérification n’est jamais imposée aux actionnaires des sociétés résidentes percevant des dividendes. Une mesure de contrôle doit répondre au souci d’atteindre son objectif « de manière cohérente et systématique » pour être jugée proportionnée au but recherché. Rien ne permet d’exclure que les actionnaires de sociétés résidentes bénéficient également de législations étrangères favorables permettant une seconde prise en compte de l’impôt. La charge de la preuve pesant exclusivement sur les non-résidents excède ce qui est nécessaire pour garantir l’intégrité du système fiscal national. Le juge européen confirme ainsi que l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne proscrit ces modalités de remboursement discriminatoires.