La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 16 mai 2013, précise les conditions d’application du principe de l’unicité de la résidence habituelle. Cette décision concerne l’articulation entre le droit à une pension de retraite et la perception d’une prestation de survie dans deux États membres différents. Une ressortissante bénéficiait d’une pension de vieillesse dans son État d’origine tout en résidant partiellement dans un autre État membre auprès de son époux. L’institution de sécurité sociale a contesté ce droit en invoquant une double résidence et a exigé le remboursement des prestations versées depuis plusieurs années. Saisie d’un recours, la Cour d’appel de Białystok a interrogé la juridiction européenne sur la compatibilité de ces mesures nationales avec la libre circulation des travailleurs. Le litige porte sur la possibilité de disposer de deux lieux de séjour habituel et sur la légalité d’une suppression rétroactive des droits acquis. La Cour répond qu’une personne ne peut avoir qu’une seule résidence habituelle mais s’oppose à la suppression rétroactive de la prestation de vieillesse. L’analyse portera sur l’affirmation de l’unicité du rattachement géographique avant d’étudier l’encadrement des clauses de réduction des prestations sociales.
I. L’affirmation du principe de l’unicité de la résidence habituelle
A. La détermination du centre habituel des intérêts du travailleur
L’article 10 du règlement n° 1408/71 garantit la levée des clauses de résidence pour assurer l’exportabilité des prestations acquises dans un État membre de l’Union. La notion de résidence est définie de manière autonome par le droit de l’Union comme le lieu où se situe le séjour habituel de l’intéressé. La Cour rappelle que cet État membre correspond à celui « dans lequel se trouve également le centre habituel de ses intérêts ». Cette interprétation finaliste vise à rattacher le travailleur migrant à une seule législation nationale pour simplifier la coordination des régimes de sécurité sociale. Le juge national doit donc identifier ce centre unique en évaluant l’activité professionnelle, les liens familiaux et la durée des séjours effectifs. Cette recherche factuelle permet de stabiliser la situation juridique du bénéficiaire tout en évitant les conflits de lois complexes entre les différentes institutions débitrices.
B. L’exclusion d’une pluralité de résidences pour la coordination sociale
L’unicité de la législation applicable constitue un pilier fondamental du système de coordination instauré par les traités pour protéger les travailleurs mobiles au sein de l’Union. La Cour affirme expressément qu’« une personne ne saurait disposer, de façon concomitante, de deux lieux de résidence habituelle sur le territoire de deux États membres différents ». Cette solution empêche le cumul artificiel de droits fondés sur des résidences multiples qui nuirait à la cohérence du régime de protection sociale européen. Admettre deux résidences équivalentes priverait de tout effet utile les règles de conflit prévues au titre II du règlement n° 1408/71 précité. La juridiction de renvoi doit ainsi trancher entre les deux lieux de vie pour désigner l’institution compétente chargée de liquider les droits à pension. Cette rigueur géographique assure une répartition claire des charges financières entre les États membres tout en préservant l’équilibre financier des caisses de retraite.
II. L’encadrement de la protection des prestations de vieillesse acquises
A. La prohibition de la suppression rétroactive du droit à pension
L’institution nationale ne peut pas annuler rétroactivement une pension de retraite au seul motif que le bénéficiaire perçoit une prestation de survie dans un autre État. La Cour précise qu’« une institution compétente d’un État membre ne peut pas valablement […] procéder à la suppression rétroactive du droit à une pension de retraite ». Cette interdiction protège la sécurité juridique de l’assuré qui a cotisé durant sa carrière professionnelle conformément aux prescriptions de la législation de son État. Le recouvrement des sommes prétendument indues est limité par le respect des principes de confiance légitime et de coopération loyale entre les autorités. La seule perception d’une prestation de nature différente ne saurait justifier l’extinction totale d’un droit né d’une activité salariée effective et régulière. Cette solution consacre la primauté des droits acquis sur les considérations administratives liées à l’enregistrement formel du domicile dans un registre national étranger.
B. La limitation des clauses nationales de réduction de prestations
Le cumul d’une pension de retraite et d’une prestation de survie reste possible sous réserve de l’application des règles anticumul prévues par les législations nationales respectives. L’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’oppose à toute mesure nationale créant un désavantage injustifié pour le travailleur ayant exercé sa mobilité. Une réduction de la prestation est autorisée « dans la limite du montant des prestations touchées dans l’autre État membre » selon les dispositions du droit dérivé. Le juge national doit vérifier que cette mesure n’aboutit pas à une situation moins favorable que celle d’une personne dont la situation est purement interne. Toute différence de traitement doit être justifiée par des objectifs d’intérêt général et respecter le principe de proportionnalité pour demeurer compatible avec le droit primaire. Cette protection vigilante garantit que l’exercice de la liberté de circulation ne se traduise pas par une diminution substantielle du niveau de vie des retraités.