Cour de justice de l’Union européenne, le 16 mai 2019, n°C-138/18

Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les règles d’interprétation de la nomenclature combinée en matière de classement douanier. En l’espèce, une société spécialisée dans la fourniture de composants pour l’industrie des prothèses auditives avait déclaré des connecteurs, conçus spécifiquement pour ces appareils, sous la sous-position 9021 90 10, correspondant aux « Parties et accessoires d’appareils pour faciliter l’audition aux sourds », laquelle est exonérée de droits de douane. L’administration fiscale danoise a cependant procédé à un reclassement de ces marchandises dans la sous-position 8544 42 90, applicable à certains fils et câbles munis de pièces de connexion, entraînant un redressement des droits de douane. La société a contesté cette décision devant la Commission fiscale nationale du Danemark, qui lui a donné raison. Saisi en appel par le ministère des Impôts, la cour d’appel de la région Ouest du Danemark a sursis à statuer afin de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice. Il s’agissait pour la Cour de déterminer si l’expression « positions » dans la note 2, sous a), du chapitre 90 de la nomenclature combinée vise uniquement les codes à quatre chiffres ou également les sous-positions, et de fournir les critères de classement pour les connecteurs en cause. La question de l’exclusivité du classement dans le chapitre 90 par rapport aux chapitres 84 et 85 était également posée. La Cour a jugé que le terme « position » se réfère exclusivement aux codes à quatre chiffres, que le classement final relève de la juridiction nationale au regard des critères qu’elle énonce, et qu’une marchandise relevant du chapitre 90 ne peut être classée dans les chapitres 84 ou 85.

I. L’interprétation stricte des règles de classement de la nomenclature combinée

La Cour de justice adopte une lecture rigoureuse des textes régissant la nomenclature combinée, d’une part en définissant précisément la portée du terme « position » (A), et d’autre part en rappelant les critères objectifs qui doivent guider le classement des parties et accessoires d’un produit (B).

A. La primauté d’une lecture littérale du terme « position »

La Cour de justice, pour répondre à la première question, s’attache à une interprétation littérale et systémique de la nomenclature combinée. Elle observe que le législateur de l’Union a sciemment opéré une distinction terminologique entre les « positions », identifiées par des codes à quatre chiffres, et les « sous-positions », qui comportent des subdivisions à six ou huit chiffres. S’appuyant sur l’article 3 du règlement n° 2658/87 ainsi que sur la règle générale 6 pour l’interprétation de la nomenclature, la Cour établit que l’emploi du terme « positions » dans la note 2, sous a), du chapitre 90 est dénué d’ambiguïté et ne saurait être étendu aux sous-positions. Elle confirme ainsi sa jurisprudence antérieure qui réserve le terme « position » aux codes à quatre chiffres. En conséquence, la Cour énonce que l’expression « les parties et accessoires consistant en articles compris dans l’une quelconque des positions du présent chapitre ou des chapitres 84, 85 ou 91 », qu’elle contient, vise uniquement les positions à quatre chiffres de ces chapitres. Cette clarification a pour effet de structurer de manière hiérarchique le raisonnement classificatoire : une partie ou un accessoire doit d’abord être examiné au regard des positions générales à quatre chiffres avant d’envisager des classements plus spécifiques.

B. L’application des critères de classement aux parties et accessoires

Bien que la Cour se garde de procéder elle-même au classement des marchandises, elle fournit à la juridiction nationale l’ensemble des critères d’interprétation nécessaires pour le faire. Elle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle « le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives ». La destination du produit peut également constituer un critère pertinent, à la condition qu’elle soit inhérente à celui-ci, c’est-à-dire qu’elle puisse s’apprécier en fonction de ses propriétés objectives. Pour les connecteurs en cause, la Cour suggère plusieurs pistes de réflexion au juge national. Elle relève que ces produits se distinguent par « le fini de leur fabrication et leur grande précision », caractéristiques des produits du chapitre 90, et qu’ils sont « spécialement adaptés aux appareils auditifs ». Elle souligne aussi que la sous-position 9021 90 10 vise expressément les « parties et accessoires d’appareils pour faciliter l’audition aux sourds ». En guidant ainsi le juge national, la Cour favorise une classification qui tient compte non seulement de la nature matérielle du produit, mais aussi de sa fonction spécifique et de son degré de spécialisation, ce qui le distingue d’un simple fil électrique de la position 8544.

La clarification de cette méthode de classement par la Cour de justice a des conséquences importantes sur la sécurité juridique pour les opérateurs économiques et réaffirme la logique d’ensemble de la nomenclature combinée.

II. La portée de la solution : renforcement de la sécurité juridique et de la méthode de classement

La décision de la Cour consolide une approche pragmatique et cohérente du classement tarifaire en mettant en avant la spécificité du produit (A), tout en rappelant la répartition claire des compétences entre elle et le juge national dans le cadre du dialogue des juges (B).

A. La consolidation du rôle des caractéristiques objectives et de la destination inhérente du produit

En insistant sur l’examen des « caractéristiques et propriétés objectives » des connecteurs, la Cour renforce la prévisibilité et la sécurité juridique pour les opérateurs économiques. Un classement fondé sur des éléments matériels, tels que la méthode de fabrication par thermoformage, la complexité des broches de contact, et l’adaptation spécifique à une fonction et à un appareil donné, est moins sujet à l’arbitraire qu’un classement basé sur une appréciation plus générale. La Cour valide l’idée qu’un composant, même s’il partage des traits communs avec une marchandise de nature générale comme un câble électrique, doit être classé en fonction de sa spécialisation poussée lorsqu’elle est démontrée. Le fait que les connecteurs soient « conçus spécialement pour être intégrés à un appareil auditif » devient un élément déterminant. Cette approche confirme qu’une partie indispensable au fonctionnement d’un appareil médical hautement spécialisé relève logiquement du même chapitre que l’appareil lui-même, plutôt que d’un chapitre plus générique. De surcroît, la réponse à la troisième question, selon laquelle « si une marchandise relève du chapitre 90 de la nomenclature combinée, elle ne saurait également relever des chapitres 84 et 85 de celle-ci », établit une règle d’exclusion claire qui simplifie le processus de classement et prévient les conflits de positionnement entre les chapitres.

B. La réaffirmation de la hiérarchie des chapitres et de la compétence du juge national

L’arrêt illustre parfaitement la fonction de la Cour de justice dans le cadre d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire. La Cour rappelle avec constance que « sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la nc qu’à procéder elle-même à ce classement ». Elle se cantonne à son rôle d’interprète du droit de l’Union, laissant au juge national, qui est le juge du fait, le soin d’appliquer ces critères à l’espèce. Cette répartition des tâches respecte la souveraineté du juge national tout en assurant une application uniforme du droit douanier sur l’ensemble du territoire de l’Union. En définitive, en fournissant une interprétation claire des notes de la nomenclature et en délimitant la portée des positions et des chapitres, la Cour offre un cadre d’analyse rigoureux qui, appliqué par le juge national, devrait conduire à une solution cohérente et prévisible, favorisant ainsi la fluidité et la justesse des échanges commerciaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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