La Cour de justice de l’Union européenne, par sa décision du 6 octobre 2025, se prononce sur l’interprétation des critères de compétence judiciaire internationale. Une société de distribution d’énergie réclame le paiement de factures impayées à un particulier résidant dans un autre État membre de l’Union. Le défendeur possède une adresse permanente enregistrée sur le territoire national mais a déclaré résider de manière actuelle dans un État membre distinct. Le tribunal d’arrondissement de Sofia s’interroge sur sa compétence territoriale face à une législation interne imposant le maintien d’un domicile pour ses ressortissants. Le litige soulève la question de la compatibilité entre une adresse nationale obligatoire et le critère européen du domicile posé par le règlement n° 1215/2012. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une fiction nationale de domicile remplace le lieu de résidence effective du débiteur. L’étude de la primauté du critère européen sur les fictions nationales précède l’analyse des mécanismes de sécurisation des procédures transfrontalières.
I. La primauté du critère européen du domicile sur les fictions de résidence nationale
A. L’interdiction de substituer la nationalité au domicile effectif
L’article 62 du règlement n° 1215/2012 confie aux États la définition du domicile tout en encadrant strictement cette marge de manœuvre législative nationale. La Cour affirme qu’un État ne peut imposer une adresse permanente sur son territoire à ses ressortissants résidant de fait dans un autre État. Cette pratique substitue la nationalité au domicile, ce qui compromet ainsi l’application uniforme des règles de compétence judiciaire au sein de l’espace européen. « Un État membre ne saurait modifier ce choix fondamental en appliquant des règles nationales selon lesquelles ses ressortissants sont obligatoirement domiciliés sur son territoire ». L’adresse permanente enregistrée au registre de la population ne peut constituer une preuve irréfragable de domicile pour les citoyens vivant à l’étranger.
B. L’obligation de vérification d’office de la compétence internationale
Les articles 4 et 5 du règlement n° 1215/2012 imposent au juge national de s’assurer de sa compétence avant de délivrer toute injonction de payer. La seule existence d’une adresse administrative enregistrée ne saurait justifier l’omission de vérifier le lieu de résidence habituelle effectif du particulier visé. Le juge doit refuser l’émission d’un acte s’il existe des raisons plausibles de supposer que le défendeur est domicilié hors de son ressort. Cette exigence garantit le respect du principe selon lequel les personnes domiciliées dans un État membre ne sont attraites que devant leurs propres juridictions. La détermination de la compétence internationale du juge conditionne alors la régularité des outils de recouvrement mis en œuvre.
II. La sécurisation des procédures transfrontalières par la coopération judiciaire
A. L’encadrement strict de la délivrance des injonctions de payer
La réglementation nationale ne peut contraindre une juridiction à statuer contre un débiteur probablement domicilié sur le territoire d’un autre État membre. Le droit de l’Union limite l’autonomie procédurale des États en subordonnant la compétence aux règles de protection du défendeur prévues au chapitre deuxième. Les circonstances à prendre en considération pour établir la compétence internationale sont uniquement celles existantes à la date de l’introduction de la demande initiale. Toute interprétation jurisprudentielle nationale contraire heurterait l’effet utile des dispositions européennes relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions de justice. Le respect de ces règles de compétence permet d’activer légalement les instruments de coopération pour la notification des actes.
B. L’usage effectif des mécanismes d’assistance à la recherche d’adresse
L’article 7 du règlement 2020/1784 offre des mécanismes d’assistance permettant de localiser un destinataire dont l’adresse exacte demeure inconnue de la juridiction saisie. Le juge peut solliciter les autorités compétentes de l’État de résidence supposée pour identifier les coordonnées nécessaires à la signification régulière de l’acte. Cette assistance administrative renforce la sécurité juridique en assurant que le particulier puisse effectivement prendre connaissance de la procédure engagée contre lui. L’utilisation des formulaires types constitue un moyen proportionné pour concilier l’efficacité du recouvrement et le respect des droits fondamentaux de la défense. L’articulation de ces textes garantit ainsi une protection équilibrée des intérêts du créancier et du débiteur au sein du marché unique.