Cour de justice de l’Union européenne, le 16 mai 2024, n°C-673/22

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 16 mai 2024, se prononce sur une demande de décision préjudicielle. Le litige initial concerne le refus d’une prolongation de seize semaines du congé de maternité au bénéfice d’une mère seule. La requérante soutient que la législation nationale crée une discrimination à l’égard des enfants nés au sein de familles monoparentales. Saisi de l’affaire par une décision du 28 septembre 2022, le tribunal du travail n° 1 de Séville interroge la Cour de justice. Il s’agit de savoir si l’absence de mesures spécifiques pour les parents isolés contrevient aux exigences d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La Cour déclare la demande irrecevable au motif que les dispositions invoquées ne trouvent pas à s’appliquer au litige. L’examen de cette décision permet d’analyser l’inapplicabilité de la directive invoquée avant d’aborder la rigueur maintenue des conditions de recevabilité préjudicielle.

I. L’inapplicabilité temporelle et matérielle de la directive 2019/1158

A. Le constat d’une application prématurée ratione temporis

La Cour souligne d’abord que les États membres devaient transposer la directive 2019/1158 au plus tard le 2 août 2022. Or, la demande de prolongation du congé de maternité litigieuse a été formulée par la salariée en février 2022. Les faits se sont ainsi déroulés avant l’expiration du délai imparti pour l’intégration de la norme européenne en droit interne. « À la date des faits au principal, le délai de transposition de la directive 2019/1158 n’étant pas expiré », la Cour refuse d’interpréter ses dispositions. Cette position classique garantit la sécurité juridique des États membres durant la phase transitoire de mise en œuvre des réformes sociales.

B. La distinction fondamentale entre le congé de maternité et le congé parental

Le juge européen relève ensuite une confusion entre les différents types de congés prévus par le droit de l’Union. La demande de la requérante portait spécifiquement sur une extension du congé de maternité régi par la directive 92/85. Pourtant, la juridiction de renvoi sollicitait l’interprétation de l’article 5 de la directive 2019/1158 relatif au seul congé parental. La Cour rappelle fermement que « le congé parental et le congé de maternité poursuivent des finalités différentes ». Tandis que la maternité protège la condition biologique de la femme, le congé parental permet l’éducation de l’enfant. Cette divergence de nature juridique interdit l’application par analogie des dispositions protectrices de la nouvelle directive au congé de maternité.

II. Une rigueur procédurale limitant la portée de l’arrêt

A. L’exigence de nécessité de la question préjudicielle

La solution retenue illustre l’étroitesse du dialogue entre le juge national et la Cour de justice sur le fondement de l’article 267. L’interprétation sollicitée doit être indispensable pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre sa décision dans le cadre du litige. La Cour dispose du pouvoir de refuser de statuer lorsque le problème présente un caractère manifestement hypothétique ou sans lien réel. En l’espèce, l’inapplicabilité de la directive prive les questions posées de leur utilité pour la résolution du différend porté devant le tribunal espagnol. « Les questions posées dans le cadre de la présente affaire revêtent un caractère hypothétique », justifiant ainsi l’irrecevabilité prononcée par la septième chambre.

B. Un renvoi de la protection des familles monoparentales aux ordres juridiques nationaux

En écartant le litige sur des motifs de recevabilité, le juge européen évite de se prononcer sur l’égalité de traitement des familles. Le silence de la directive sur l’adaptation obligatoire des congés aux besoins des parents isolés reste entier. La Cour ne tranche pas la question de savoir si les enfants de familles monoparentales subissent une discrimination systémique. Ce refus de statuer laisse aux juges nationaux la responsabilité d’interpréter leur propre droit social en conformité avec les principes constitutionnels internes. L’arrêt confirme la volonté de la Cour de ne pas étendre le champ d’application des directives au-delà des intentions claires du législateur européen.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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