Cour de justice de l’Union européenne, le 16 novembre 2023, n°C-391/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 16 novembre 2023, une décision relative à l’interprétation de la directive 2003/96/CE. Ce texte encadre la taxation des produits énergétiques, notamment le gazole utilisé pour le transport régulier ou occasionnel de passagers par des véhicules spécifiques.

Le litige au principal oppose un transporteur public à une administration fiscale au sujet du remboursement des droits d’accise sur le gazole consommé. Les trajets litigieux ont été effectués exclusivement à des fins de réparation, d’entretien ou de ravitaillement en carburant des véhicules de transport.

L’autorité fiscale a rejeté la demande de remboursement au motif que ces déplacements ne constituent pas des services de transport de passagers au sens strict. Le transporteur soutient en revanche que ces opérations sont indispensables à l’exercice de son activité globale et doivent bénéficier du régime fiscal préférentiel.

La juridiction de renvoi a donc interrogé la Cour sur la compatibilité d’une pratique administrative excluant le kilométrage technique de la notion de transport régulier. Le problème de droit consiste à savoir si le gazole utilisé pour ces trajets relève de la notion de gazole à usage commercial.

La Cour décide que le gazole consommé lors de trajets effectués à des fins de maintenance ou de ravitaillement ne relève pas de cette qualification juridique. Elle privilégie une interprétation stricte de la directive fondée sur la finalité directe du déplacement et sur les objectifs de protection de l’environnement.

Cette solution repose sur une analyse textuelle rigoureuse de la notion de transport de passagers avant d’être confirmée par l’examen des objectifs de politique publique.

I. L’interprétation stricte de la notion de gazole à usage commercial

A. Un critère finaliste lié à la prestation effective de transport

La Cour de justice précise que la qualification de gazole à usage commercial répond à un double critère fondé sur la catégorie du véhicule et sa destination. Le gazole doit être « utilisé comme carburant aux fins […] [du] transport régulier ou occasionnel de passagers » pour ouvrir droit au remboursement partiel des taxes.

Cette définition impose que le carburant serve directement à la prestation d’un service de transport de voyageurs pour être éligible au taux de taxation différencié. Le juge de l’Union européenne intègre dans cette catégorie les trajets « entre le dépôt d’autobus et le premier quai d’embarquement » ainsi que le retour après débarquement.

B. L’exclusion nécessaire des trajets techniques du bénéfice fiscal

Les trajets effectués à vide pour des raisons de maintenance ou de ravitaillement ne servent pas directement la prestation finale de transport aux usagers. Ces déplacements « ne sauraient être qualifiés de « transport de passagers » dès lors qu’ils ne servent pas directement à la prestation d’un service ».

L’interprétation restrictive s’impose car la directive permet aux États membres de déroger au niveau national de taxation en vigueur au premier janvier deux mille trois. Une lecture extensive de la notion de gazole commercial risquerait d’étendre indûment la portée des dérogations fiscales accordées aux opérateurs économiques du secteur.

II. Une solution guidée par les objectifs de l’Union européenne

A. La préservation de la cohérence et de la concurrence au sein du marché

Le cadre communautaire de taxation vise à fixer des niveaux minima pour éviter des écarts trop importants entre les régimes fiscaux des différents États membres. Cette harmonisation minimale cherche à « permettre un rapprochement des niveaux nationaux de taxation du gazole afin, notamment, d’éviter les distorsions de concurrence ».

La Cour de justice souligne que la marge d’appréciation des autorités nationales a été considérablement réduite au cours de la procédure législative de la directive. Le législateur de l’Union a souhaité encadrer strictement la possibilité de prévoir des taux de taxation différenciés pour un même produit énergétique.

B. La primauté des impératifs environnementaux sur l’avantage fiscal

L’interprétation restrictive de la notion d’usage commercial contribue à la réalisation des objectifs de politique environnementale de l’Union définis par les traités européens. Elle « limite les possibilités de bénéficier d’un taux réduit et incite ainsi à la diminution de la consommation totale de carburant » fossile.

Le juge rappelle que les exigences de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union. La réduction de l’écart de taxation entre le gazole et l’essence constitue un levier essentiel pour encourager des comportements de transport plus durables.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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