Cour de justice de l’Union européenne, le 16 novembre 2023, n°C-415/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 16 novembre 2023, une décision relative à l’affiliation sociale d’un ancien fonctionnaire. Ce dernier a exercé ses fonctions au sein de la Commission jusqu’à sa retraite avant de débuter une activité d’indépendant en Belgique. L’organisme national de sécurité sociale a alors exigé le versement de cotisations obligatoires au titre de cette nouvelle activité professionnelle libérale.

L’intéressé a contesté cet assujettissement devant le tribunal du travail francophone de Bruxelles afin d’obtenir le remboursement des sommes versées depuis l’année 2007. Les autorités nationales soutiennent que l’exercice d’une activité sur le territoire belge impose une solidarité financière identique à celle des autres résidents. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité de cette législation avec le principe d’unicité de la législation sociale européenne.

Le litige porte sur la faculté d’un État d’imposer son régime de sécurité sociale à un retraité de l’Union bénéficiant déjà d’une couverture obligatoire. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à une telle obligation d’assujettissement pour les agents ayant atteint l’âge de la retraite. Cette solution repose sur la primauté du régime statutaire (I) et entraîne une limitation stricte des prérogatives étatiques en la matière (II).

I. La consécration d’un régime de sécurité sociale autonome et exclusif

A. Le maintien de l’affiliation au régime commun après la cessation des fonctions

L’article 72 du statut prévoit que le fonctionnaire resté au service de l’Union jusqu’à sa retraite bénéficie de la couverture contre les risques de maladie. La Cour précise que « le fonctionnaire dont le lien d’emploi avec l’Union a perduré jusqu’à l’âge de la retraite continue de relever du régime de sécurité sociale ». Cette affiliation obligatoire au régime commun des institutions de l’Union européenne persiste ainsi malgré l’exercice ultérieur d’une activité lucrative dans un État membre. L’existence d’un lien d’emploi prolongé justifie cette protection spécifique qui écarte les règlements habituels de coordination.

B. L’inapplicabilité des règlements de coordination aux agents de l’Union

Les règlements relatifs à la coordination des systèmes de sécurité sociale définissent un champ d’application personnel dont les fonctionnaires de l’Union sont expressément exclus. Les juges rappellent que les agents européens ne peuvent être qualifiés de travailleurs au sens du droit dérivé car ils ne dépendent d’aucune législation nationale. Dès lors, l’article 14 du protocole sur les privilèges et immunités soustrait ces personnes à la compétence des États membres pour toute obligation d’affiliation. L’unicité de la législation applicable ne découle pas ici d’une règle de conflit mais de la nature supranationale et complète du statut des fonctionnaires.

II. L’éviction des prérogatives nationales au profit de l’immunité statutaire

A. L’interdiction des prélèvements fondés sur une solidarité nationale

L’autorité nationale invoquait la nature de « pure solidarité » des cotisations litigieuses pour justifier l’assujettissement forcé du travailleur indépendant à son propre système. La Cour rejette cet argument en soulignant que le respect des dispositions statutaires s’impose aux États membres quelles que soient les dénominations internes utilisées. Elle affirme que les États membres « doivent néanmoins, dans l’exercice de cette compétence, respecter le droit de l’Union » et les dispositions particulières du protocole. L’absence de prestations en contrepartie des sommes versées ne modifie pas la nature de contribution sociale de ces prélèvements interdits par le droit européen.

B. La portée de la décision sur la libre circulation des anciens fonctionnaires

Cette décision assure une protection efficace aux anciens agents de l’Union européenne souhaitant poursuivre une activité professionnelle dans leur État de résidence habituel. Le juge garantit que les fonctionnaires retraités ne subissent pas de charges financières discriminatoires par rapport à leur statut spécifique défini par les traités. La Cour conclut que les dispositions pertinentes « s’opposent à l’assujettissement obligatoire » à un régime national pour un retraité bénéficiant déjà de la couverture européenne. Cette solution confirme la compétence exclusive de l’Union pour régir la situation sociale de ses agents tant durant leur activité qu’après leur départ.

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Hassan KOHEN
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