La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 8 décembre 2011, rejette les pourvois formés contre la récupération d’aides d’État déclarées illégales. Des autorités territoriales ont instauré des régimes fiscaux prévoyant un crédit d’impôt de quarante-cinq pour cent pour des investissements dépassant un seuil financier déterminé. La Commission européenne a qualifié ces mesures d’aides incompatibles avec le marché commun et a ordonné le remboursement des sommes perçues par les entreprises bénéficiaires. Les autorités nationales contestent cette décision en invoquant la protection de la confiance légitime et le principe de proportionnalité au regard des plafonds régionaux. Le litige porte sur la faculté pour des entités publiques de se prévaloir de principes généraux pour faire échec à l’obligation de récupération.
I. L’exigence de sécurité juridique face à l’illégalité des aides
A. L’inopposabilité du principe de protection de la confiance légitime
Le juge de l’Union rappelle qu’un État membre ne peut invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l’exécution d’une décision de récupération. Cette impossibilité s’applique d’autant plus fermement lorsque les autorités n’ont pas respecté l’obligation de notification préalable prévue par les traités européens pour toute aide nouvelle. La Cour précise à cet égard que « lorsqu’une aide d’État n’a pas été notifiée à la Commission, l’inaction de celle-ci à l’égard de cette aide est dépourvue de signification ». Le silence de l’institution ne saurait donc être interprété comme une autorisation implicite ou une circonstance exceptionnelle capable de fonder une espérance juridiquement protégée. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l’attitude de la Commission lors de l’examen de régimes fiscaux antérieurs pour justifier leur propre manquement.
B. L’absence de caractère déraisonnable de la durée de l’instruction
La validité de la procédure est confirmée malgré l’écoulement d’un délai de trente-huit mois entre la première plainte et l’ouverture de l’examen formel. Le juge souligne que la Commission n’est pas tenue de respecter un délai de deux mois en l’absence de notification officielle par l’État membre concerné. La complexité des questions de fait et de droit, impliquant une analyse approfondie de la législation nationale, justifie la durée prolongée de la phase préliminaire. L’institution n’a disposé des informations nécessaires qu’au terme d’échanges progressifs, marqués par des demandes de prorogation de délai formulées par les autorités étatiques elles-mêmes. Ce comportement administratif n’est donc pas constitutif d’une violation des principes de bonne administration ou de sécurité juridique susceptible d’empêcher la restitution des fonds.
II. La validité de la récupération intégrale des avantages octroyés
A. La conformité de l’ordre de remboursement au principe de proportionnalité
La récupération des aides illégales est présentée comme la mesure la plus appropriée pour rétablir la situation concurrentielle antérieure au versement des fonds litigieux. La Cour affirme que « la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée ». Le remboursement intégral n’excède pas les objectifs du droit de la concurrence, même si les montants récupérés dépassent les plafonds autorisés pour les aides régionales. L’obligation de restitution découle directement de l’illégalité de la mesure fiscale et s’impose sans distinction lors de la phase de constatation de l’incompatibilité du régime. L’institution européenne n’avait pas l’obligation de limiter la portée de sa décision en l’absence d’éléments probants fournis durant la phase administrative contradictoire.
B. Le renvoi de l’examen de compatibilité individuelle à la phase de recouvrement
L’examen global d’un régime d’aide dispense la Commission d’une analyse individuelle de chaque avantage octroyé sur le fondement de la réglementation fiscale contestée. Il appartient aux autorités nationales de vérifier la situation particulière de chaque entreprise lors de l’exécution effective des titres de perception émis par l’État. Celles-ci conservent la possibilité de démontrer ultérieurement que certaines aides satisfont aux critères de dérogation prévus par les règlements d’exemption ou les cartes régionales. La décision mentionne expressément « la possibilité que des aides individuelles soient considérées, totalement ou partiellement, comme compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques propres ». Ce mécanisme de sauvegarde garantit le respect des droits des bénéficiaires tout en préservant l’efficacité de la surveillance des aides d’État par les instances communautaires.