Cour de justice de l’Union européenne, le 17 décembre 2015, n°C-239/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 17 décembre 2015, une décision concernant le droit au recours effectif en matière d’asile. Un ressortissant étranger a vu sa première demande d’asile rejetée de manière définitive par les autorités nationales après l’épuisement des voies de recours. Il a par la suite introduit une seconde demande en invoquant des éléments nouveaux, laquelle a fait l’objet d’un refus de prise en considération. En conséquence, l’organisme chargé de l’aide sociale a décidé de retirer les prestations financières dont bénéficiait l’intéressé sur le territoire national. Le tribunal du travail de Liège a interrogé la juridiction européenne sur la conformité de l’absence d’effet suspensif du recours contre ce refus. La question de droit portait sur la nécessité de suspendre l’exécution d’une décision de non-examen d’une demande ultérieure pour garantir un recours effectif. La Cour a jugé que l’article 39 de la directive 2005/85 n’impose pas un effet suspensif automatique pour de telles demandes d’asile multiples. L’analyse de cette solution implique d’étudier la validation de l’absence d’effet suspensif avant d’envisager la conciliation nécessaire avec les droits fondamentaux européens.

I. La validation de l’absence d’effet suspensif pour les demandes ultérieures

A. L’encadrement des garanties minimales par la directive 2005/85

Les procédures instaurées par l’Union européenne constituent des normes minimales laissant aux États membres une marge d’appréciation substantielle pour leur application nationale. La Cour souligne que les autorités peuvent adopter des procédures spéciales dérogeant aux garanties fondamentales lors du traitement des demandes d’asile répétitives. Elle précise que « lorsqu’un demandeur d’asile introduit une demande d’asile ultérieure, sans présenter de nouvelles preuves, il serait disproportionné d’obliger les États membres ». Cette faculté permet d’éviter l’engorgement des services d’instruction par des recours successifs ne reposant sur aucun élément de fait ou de droit probant. L’article 32 de la directive autorise ainsi une exception à la règle permettant au demandeur de rester sur le territoire durant l’examen préliminaire.

B. L’autonomie procédurale nationale face au risque d’éloignement

La législation nationale prévoit qu’un recours en annulation contre le refus de prendre en considération une demande ultérieure ne suspend pas l’ordre d’expulsion. La Cour valide cette approche en considérant que les États peuvent prévoir qu’un tel recours « est dépourvu d’effet suspensif » sans méconnaître les normes. Le juge européen rappelle que l’exécution d’une décision de refus d’examen ne conduit pas, en elle-même, à l’éloignement immédiat du ressortissant concerné. Cette distinction juridique fondamentale permet de maintenir une célérité procédurale nécessaire tout en respectant l’objectif de lutte contre les demandes abusives ou infondées. La suppression de l’aide sociale apparaît comme une conséquence de la perte du droit provisoire au séjour consécutive au rejet de la demande.

II. La conciliation du droit au recours effectif avec les droits fondamentaux

A. La conformité de la procédure aux exigences de la Charte

L’interprétation des dispositions de la directive doit impérativement s’effectuer dans le respect des droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits fondamentaux. L’article 47 de la Charte réaffirme le principe de protection juridictionnelle effective, lequel s’applique à toute personne dont les droits européens sont violés. La Cour observe toutefois que l’absence d’effet suspensif est « en principe, en conformité avec les articles 19, paragraphe 2, et 47 de la Charte ». Ce constat repose sur l’idée que le refus de protection internationale n’implique pas systématiquement un risque de traitements inhumains ou dégradants. Le juge européen aligne ici sa position sur celle de la Cour européenne des droits de l’homme concernant les garanties procédurales minimales.

B. Le maintien indispensable d’une protection contre le refoulement

La protection juridictionnelle demeure entière dès lors que le ressortissant dispose d’une voie de droit effective contre la décision de retour proprement dite. Un recours doit « nécessairement revêtir un effet suspensif lorsqu’il est exercé contre une décision de retour » susceptible d’exposer l’intéressé à un danger. Le respect de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme impose cette garantie absolue lors de la phase d’éloignement forcé. En l’espèce, le litige portait exclusivement sur la légalité du refus de rouvrir l’examen de la demande d’asile sur le fond du dossier. L’effectivité du recours n’est pas entamée puisque le contrôle de légalité subsiste sans que la mesure d’éloignement ne soit le corollaire immédiat.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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