La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 17 décembre 2015, une décision fondamentale concernant l’espace judiciaire européen en matière civile. Ce litige opposait un créancier et un débiteur suite à une condamnation par défaut dont la certification comme titre exécutoire européen était sollicitée. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la conformité de sa procédure nationale de réexamen avec les exigences posées par le règlement numéro 805/2004. Elle souhaitait savoir si le droit de l’Union imposait impérativement la création d’un recours spécifique pour les créances demeurées incontestées. La question de droit portait sur l’interprétation des articles 6 et 19 relatifs aux conditions strictes de certification d’un titre exécutoire. La Cour précise d’abord les obligations de transposition relatives à la procédure de réexamen avant de définir le régime procédural propre à la certification.
I. L’absence d’obligation d’instauration d’une procédure nationale de réexamen
A. Le respect de l’autonomie procédurale des États membres
La Cour affirme que l’article 19 « n’impose pas aux États membres d’instaurer, en droit interne, une procédure de réexamen telle que visée audit article 19 ». Cette interprétation équilibrée respecte pleinement l’autonomie procédurale des États membres garantie par l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le règlement se borne ainsi à fixer des normes minimales communes sans pour autant dicter l’organisation judiciaire interne de chaque nation souveraine.
B. L’exigence d’un réexamen effectif et complet de la décision
Toutefois, le respect de ces standards minimaux impose une vérification concrète des recours ouverts aux justiciables devant les tribunaux nationaux. Le juge doit vérifier que le droit interne permet « effectivement et sans exception, un réexamen complet, en droit et en fait » de la décision. Les délais de recours doivent pouvoir être prorogés en cas de « circonstances extraordinaires, indépendantes de la volonté du débiteur » ayant empêché toute contestation. La protection du débiteur s’accompagne d’un encadrement strict de la procédure de certification qui relève exclusivement de la sphère juridictionnelle.
II. La détermination de l’autorité compétente et du régime temporel de certification
A. Le monopole juridictionnel de la certification du titre exécutoire
L’article 6 du règlement énonce clairement que la certification de la décision en tant que titre exécutoire européen « doit être réservée au juge ». Cette attribution exclusive garantit que le contrôle rigoureux des conditions de fond et de forme est opéré par une autorité judiciaire indépendante. L’intervention du magistrat assure la confiance mutuelle indispensable à la libre circulation des titres exécutoires au sein de l’espace judiciaire européen. Au-delà de cette garantie organique, le droit de l’Union facilite l’accès à la certification en supprimant les barrières temporelles habituelles.
B. La flexibilité temporelle au service de l’efficacité du recouvrement
La certification peut désormais être sollicitée par le créancier « à tout moment » auprès de la juridiction compétente ayant rendu la décision initiale. Cette absence totale de délai légal renforce l’efficacité pratique de l’exécution transfrontalière des créances incontestées sur le territoire de l’Union. Le juge est donc tenu de répondre à cette demande indépendamment de la date à laquelle la condamnation par défaut a été prononcée.