Cour de justice de l’Union européenne, le 17 décembre 2020, n°C-710/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 17 décembre 2020, précise le régime du droit de séjour des demandeurs d’emploi. Un ressortissant d’un État membre a sollicité une attestation d’enregistrement le 27 octobre 2015 avant de subir un refus administratif le 18 mars 2016. Le Conseil du contentieux des étrangers a rejeté son recours le 28 juin 2018 au motif d’une absence de chances réelles de recrutement immédiat. Saisi en cassation, le Conseil d’État a adressé le 12 septembre 2019 une demande de décision préjudicielle à la juridiction européenne sur ce point précis. La question de droit consiste à déterminer si le droit européen impose un délai de recherche durant lequel aucune preuve de réussite n’est exigible. La Cour affirme qu’un délai raisonnable doit courir dès l’enregistrement et que l’exigence de chances réelles d’embauche ne peut intervenir qu’à son terme.

I. L’affirmation d’une protection temporelle au profit du chercheur d’emploi

A. La consécration d’un délai raisonnable de recherche

La libre circulation des travailleurs constitue un fondement de l’Union européenne devant être interprété de manière particulièrement large par les différentes autorités nationales. L’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne garantit le droit de séjourner dans un autre État membre pour y prospecter un emploi. Pour assurer l’effet utile de cette disposition, l’État d’accueil doit accorder un « délai raisonnable » permettant de prendre connaissance des offres disponibles. Ce délai commence dès l’enregistrement du citoyen en qualité de demandeur d’emploi auprès des services compétents de la nation où il souhaite enfin s’installer. La juridiction estime qu’une période de six mois ne met pas en cause l’efficacité de la libre circulation des citoyens au sein de l’espace commun.

B. L’interdiction d’exigences prématurées quant aux chances d’embauche

Pendant cette phase initiale de recherche, l’administration peut uniquement exiger du citoyen qu’il apporte la preuve d’une prospection effective d’un futur poste de travail. Elle souligne que l’État membre d’accueil ne saurait, durant ce laps de temps, imposer la démonstration de l’existence de « chances réelles d’être engagé ». Une telle exigence administrative risquerait de vider de sa substance le droit de séjourner aux fins de trouver un emploi dans une autre juridiction européenne. Ce n’est qu’après l’écoulement du délai raisonnable que l’intéressé doit prouver la continuité de ses recherches et la probabilité réelle de son prochain recrutement.

II. La portée d’une conciliation entre droits individuels et prérogatives étatiques

A. La préservation de l’effet utile de la libre circulation

La Cour fonde son raisonnement sur la nécessité de garantir une mobilité réelle des travailleurs sans entraves administratives excessives durant la phase initiale d’installation. Elle précise ainsi que le demandeur d’emploi ne saurait être « contraint de quitter le territoire » avant d’avoir pu sérieusement explorer le marché du travail. Cette interprétation protège le citoyen contre des mesures d’éloignement hâtives fondées sur une appréciation subjective de ses aptitudes professionnelles dès son arrivée sur place. Le respect de la directive 2004/38 impose donc une progressivité nécessaire dans le contrôle des conditions de séjour par les autorités de l’État membre d’accueil.

B. L’encadrement strict du contrôle administratif a posteriori

À l’issue de la période protégée, les autorités nationales doivent procéder à une « analyse d’ensemble de tout élément pertinent » pour évaluer la situation du demandeur. Elles doivent notamment considérer l’enregistrement auprès des organismes de placement ainsi que la fréquence des candidatures adressées aux employeurs potentiels de la région en cause. Le refus d’offres ne correspondant pas aux qualifications professionnelles de l’intéressé ne permet pas d’écarter le bénéfice du droit de séjour garanti par les traités. L’arrêt impose ainsi une méthode d’évaluation concrète et objective de la réalité des chances de recrutement au regard des spécificités du marché national.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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