Par un arrêt du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions d’obtention du statut de résident de longue durée pour les membres de la famille d’un ressortissant de pays tiers détenant déjà ce statut. En l’espèce, un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’une personne ayant acquis le statut de résident de longue durée dans un État membre, a sollicité l’octroi du même statut. Les autorités nationales ont toutefois rejeté sa demande au motif qu’il ne remplissait pas la condition de résidence légale et ininterrompue de cinq ans sur le territoire. Saisie du litige, la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer et de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice. Il s’agissait de déterminer, d’une part, si le membre de la famille d’un résident de longue durée pouvait être dispensé de la condition de résidence de cinq ans prévue par la directive 2003/109/CE. D’autre part, il était demandé si cette même directive permettait à un État membre d’accorder le statut de résident de longue durée – UE à des conditions plus favorables que celles qu’elle établit. La Cour a répondu par la négative à ces deux questions, affirmant que le membre de la famille « ne peut pas être exonéré de la condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive ». Elle a ajouté que l’article 13 de ce texte « ne permet pas à un État membre d’octroyer, à des conditions plus favorables que celles établies dans cette directive », un tel permis de séjour.
La solution de la Cour réaffirme une application rigoureuse des conditions d’acquisition du statut de résident de longue durée (I), limitant ainsi la marge de manœuvre des États membres dans l’octroi de ce statut unifié (II).
I. L’application rigoureuse des conditions d’acquisition du statut
La Cour de justice opère une lecture stricte des dispositions de la directive, confirmant le caractère personnel de la condition de résidence (A) et la finalité d’intégration qui la sous-tend (B).
A. Le caractère personnel et non dérogatoire de la condition de résidence
La Cour énonce clairement que la qualité de membre de la famille ne suffit pas à obtenir une dérogation à l’exigence de résidence préalable. Le statut de résident de longue durée est attaché à la situation personnelle du demandeur, lequel doit démontrer un lien d’intégration suffisant avec l’État membre d’accueil. Le législateur de l’Union a ainsi fixé une condition claire et objective, celle d’« avoir résidé de manière légale et ininterrompue dans l’État membre concerné pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause ». En l’absence de disposition expresse prévoyant une exception pour les membres de la famille, le droit commun de la directive doit s’appliquer. Cette interprétation garantit une application uniforme de la condition de durée, considérée comme le principal critère d’intégration. Le statut ne se transmet donc pas ni ne se dérive du statut d’un autre membre de la famille, mais s’acquiert individuellement.
B. La condition de résidence comme reflet d’une intégration avérée
En refusant d’exempter les membres de la famille de l’exigence de résidence quinquennale, la Cour rappelle implicitement l’objectif de cette condition. La durée de cinq ans n’est pas une simple formalité administrative, mais la période jugée nécessaire pour qu’un ressortissant de pays tiers établisse des liens stables et profonds avec son pays de résidence. Elle permet de présumer un niveau d’intégration qui justifie l’octroi d’un statut sécurisé et de droits étendus, proches de ceux des citoyens de l’Union. Permettre une dérogation pour les membres de la famille reviendrait à dissocier le statut de cette présomption d’intégration individuelle. La Cour privilégie ainsi une conception où chaque titulaire du statut de résident de longue durée – UE doit personnellement satisfaire aux critères qui en fondent la logique. Cette approche préserve la substance et la crédibilité du statut conféré.
Cette interprétation stricte des conditions d’octroi du statut a pour corollaire une limitation claire de l’autonomie des États membres en la matière.
II. La portée limitée de l’autonomie des États membres
La décision de la Cour vient encadrer la faculté pour les États membres d’adopter des dispositions plus favorables (A), réaffirmant par là même la primauté d’un statut européen uniforme (B).
A. L’interdiction d’un octroi dérogatoire du statut européen
La Cour de justice interprète l’article 13 de la directive comme ne permettant pas aux États membres de créer une voie d’accès parallèle et plus favorable au statut de résident de longue durée – UE. Si cet article les autorise à délivrer des titres de séjour permanents ou à durée indéterminée selon des conditions nationales plus avantageuses, ces titres ne sauraient porter la mention « résident de longue durée – UE ». La Cour établit une distinction fondamentale entre les titres de séjour purement nationaux et le statut harmonisé au niveau de l’Union. Permettre à un État membre d’octroyer le statut européen sans respecter les conditions fixées par la directive priverait celle-ci de son effet utile. Une telle pratique créerait une rupture d’égalité entre les ressortissants de pays tiers selon l’État membre où ils introduisent leur demande et nuirait à la confiance mutuelle entre États.
B. La préservation d’un statut uniforme et harmonisé
En définitive, cet arrêt renforce la nature et la cohérence du statut de résident de longue durée – UE. Ce statut a été conçu pour offrir un socle de droits uniformes sur l’ensemble du territoire de l’Union, notamment le droit de résider dans un autre État membre. Sa valeur repose précisément sur le respect par tous les États des conditions communes d’acquisition. En jugeant qu’un État membre ne peut octroyer ce statut spécifique à des conditions plus favorables, la Cour garantit que tout détenteur d’un permis « résident de longue durée – UE » a satisfait au même niveau d’exigence en matière d’intégration. Cette solution assure la sécurité juridique et la prévisibilité pour les administrations des autres États membres. Elle confirme que l’harmonisation des conditions d’octroi est une composante essentielle de la politique d’immigration et d’intégration commune de l’Union.