La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 7 décembre 2017, tranche une difficulté relative au point de départ du délai de recours. Cette décision porte sur l’interprétation des règles de forclusion applicables aux actes individuels faisant l’objet d’une publication complémentaire et d’une rectification matérielle.
Un État membre a reçu notification d’une décision d’apurement financier écartant certaines dépenses du financement de l’Union le 23 juin 2015. Cet acte a été publié au Journal officiel le 10 juillet suivant avant l’envoi d’une communication rectificative pour une erreur de format le 20 juillet.
Le Tribunal de l’Union européenne, par une ordonnance du 19 avril 2016, a rejeté le recours en annulation déposé le 25 septembre 2015 pour cause de tardivité. La partie requérante a alors introduit un pourvoi afin de contester le calcul du délai de deux mois effectué par les premiers juges.
La partie demanderesse soutient que la publication ou la notification rectificative devrait constituer le point de départ effectif pour le calcul du délai de recours. L’institution défenderesse conclut au rejet de cette thèse en invoquant le caractère définitif de la première notification régulière pour les actes désignant un destinataire.
La juridiction doit déterminer si la notification initiale à un destinataire désigné suffit à déclencher irrévocablement le délai de recours malgré une publication ultérieure facultative. Elle doit également préciser si une rectification technique dépourvue de modification substantielle est de nature à faire courir un nouveau délai de prescription.
La Cour rejette le pourvoi en affirmant que la date de notification prévaut pour les actes individuels et que les rectifications matérielles n’interrompent pas la prescription. L’examen de ce litige commande d’analyser la primauté de la notification sur la publication (I) avant d’évaluer l’inefficacité des rectifications techniques ultérieures (II).
I. La primauté de la notification dans le déclenchement des délais de recours
A. L’articulation stricte entre la notification et la publication des actes
L’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que le recours doit être introduit dans un délai de deux mois. Ce délai court, « suivant le cas », de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou du jour de sa connaissance. L’article 297 précise que les décisions désignant un destinataire lui sont notifiées et prennent effet par cette seule formalité de communication officielle. La Cour juge que la date de notification constitue le point de départ exclusif dès lors que l’acte désigne précisément un sujet de droit. La publication demeure une pratique informative incapable de modifier l’économie des délais impératifs fixés par les textes conventionnels pour les décisions individuelles.
B. L’éviction du caractère subsidiaire de la notification pour les destinataires
Le requérant prétendait que la publication au Journal officiel devrait primer ou que la notification revêtirait un caractère subsidiaire par rapport à cette dernière. La juridiction rejette cette interprétation en rappelant que « s’agissant d’un acte désignant ses destinataires, seul le texte notifié à ces derniers fait foi ». Cette solution assure une application uniforme du droit en évitant des discriminations potentielles entre les différents États membres destinataires d’une même mesure. La prévisibilité du droit impose que le destinataire se réfère uniquement à l’acte qui lui a été personnellement et officiellement communiqué par l’institution. Si la hiérarchie des modes de publicité est ainsi clarifiée, il convient toutefois d’apprécier l’influence éventuelle des modifications matérielles intervenant postérieurement à la notification.
II. L’absence d’effet interruptif des rectifications matérielles ultérieures
A. La qualification de mesure confirmative pour les corrections de format
L’autorité a envoyé une seconde communication le 20 juillet 2015 pour rectifier un problème de format d’impression affectant l’annexe de la décision initiale. La Cour estime qu’une telle précision ne modifie nullement le contenu substantiel de l’acte ni les motifs sur lesquels celui-ci repose nécessairement. Une décision qui « se borne à confirmer une précédente décision » n’a pas pour effet de faire naître un nouveau délai de recours contentieux. Cette mesure purement technique ne permet pas de rouvrir une voie de droit déjà engagée par la notification parfaite réalisée le 23 juin.
B. La préservation de la sécurité juridique par la rigueur procédurale
La sécurité juridique interdit de remettre en cause la force obligatoire des délais de recours par l’invocation d’erreurs matérielles sans incidence sur la compréhension. Le juge considère que le destinataire était en mesure de prendre pleine connaissance de l’acte dès la première notification régulière effectuée par l’administration. L’interprétation stricte des conditions de recevabilité prévient tout arbitraire et garantit que les actes de l’Union deviennent définitifs après l’expiration du temps imparti. Le rejet du pourvoi confirme une jurisprudence constante privilégiant la stabilité des situations juridiques sur les hésitations subjectives des justiciables face aux délais.