La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 17 mai 2018, tranche une difficulté d’interprétation relative à la fiscalité des boissons alcoolisées. Une société produit des bières aromatisées en ajoutant du sirop de sucre ainsi que des substances aromatiques après l’achèvement complet du processus de fermentation.
L’administration douanière considère que ces additifs doivent intégrer la base d’imposition définie par le degré Plato, augmentant ainsi le montant de l’accise due. L’entreprise conteste cette analyse et sollicite le remboursement du trop-perçu devant les juridictions administratives nationales en invoquant la définition technique de la mesure.
Le tribunal administratif de voïvodie de Poznań annule les décisions de rejet initiales, provoquant le dépôt d’un pourvoi en cassation par l’autorité douanière compétente. La Cour suprême administrative de Pologne décide alors de surseoir à statuer afin d’interroger la juridiction européenne sur la portée exacte du droit dérivé.
La question posée porte sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 92/83/CEE concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les alcools. Il s’agit de savoir si le calcul du degré Plato doit inclure l’extrait sec provenant des ingrédients ajoutés après la fin de la fermentation.
La Cour de justice juge que la base d’imposition doit être déterminée en prenant en compte uniquement l’extrait sec du moût primitif, excluant les arômes. Cette solution repose sur une lecture technique de la réglementation associée à une analyse finaliste des objectifs de taxation de la teneur en alcool.
I. L’interprétation stricte du degré Plato fondée sur la tradition brassicole
A. La primauté de la densité initiale du moût
La Cour rappelle que la notion de degré Plato ne bénéficie d’aucune définition explicite au sein des différents actes législatifs de l’Union européenne. Elle doit donc être interprétée selon son sens habituel dans le secteur technique concerné, lequel renvoie systématiquement à la composition du moût primitif.
Les juges soulignent que « l’échelle de Plato permet de calculer le pourcentage d’extrait sec dans la masse du moût primitif » avant toute fermentation. Cette mesure physique correspond précisément à un gramme d’extrait sec pour cent grammes de liquide initial, sans égard pour les transformations ou ajouts postérieurs.
L’extrait sec du moût primitif constitue l’ensemble des ingrédients, tels que le malt ou le houblon, préparés pour la fermentation avant l’ajout de l’eau. En se référant à cet usage technique constant, la juridiction européenne garantit une application prévisible et uniforme de la norme fiscale par les États.
B. L’indépendance du calcul fiscal vis-à-vis des additifs postérieurs
L’expression « produit fini » employée par la directive ne saurait justifier une prise en compte des éléments ajoutés après la phase de transformation alcoolique initiale. Cette caractéristique détermine simplement le moment où l’obligation fiscale naît sans modifier la méthode de calcul de la densité fixée par l’échelle choisie.
La Cour précise que « le nombre de degrés Plato doit être une valeur déterminant une caractéristique du produit fini » indépendamment du stade de mesure. Le moût primitif caractérise l’ensemble des produits finis issus de cette base, qu’il s’agisse d’une bière traditionnelle ou d’une variante aromatisée.
L’analyse contextuelle de la directive confirme cette approche puisque d’autres dispositions lient expressément les degrés Plato à la densité initiale avant toute fermentation alcoolique. Toute interprétation contraire introduirait une rupture d’homogénéité dans le corpus législatif européen régissant les droits d’accise sur les produits de consommation courante.
II. Une solution protectrice de la cohérence du régime des accises
A. La corrélation nécessaire entre l’imposition et la teneur en alcool
Le système fiscal mis en place par le droit de l’Union vise principalement à taxer la consommation d’alcool pur contenu dans les boissons alcoolisées. L’accise présente ainsi un objectif sanitaire et budgétaire, cherchant à « imposer l’alcool consommé » de manière proportionnelle à la puissance alcoolique de chaque produit.
Il existe une relation physique directe entre le pourcentage d’extrait sec du moût primitif et le titre alcoométrique final obtenu après le processus de fermentation. En revanche, les ingrédients sucrés ou aromatiques additionnés tardivement n’exercent aucune influence sur la quantité d’éthanol réellement présente dans la bouteille de bière.
L’inclusion du sucre ajouté dans la base de calcul aboutirait à taxer plus lourdement des produits dont la teneur en alcool reste pourtant identique. Une telle pratique fiscale détournerait l’accise de sa fonction première en frappant des additifs qui ne présentent aucun risque pour la santé publique.
B. La recherche d’une neutralité fiscale entre les types de bières
La décision garantit que deux produits possédant le même degré d’alcool soient soumis à une charge fiscale équivalente, quelle que soit leur méthode de fabrication. Cette égalité de traitement évite les distorsions de concurrence entre les brasseurs traditionnels et les producteurs de boissons aromatisées au sein du marché.
Une interprétation extensive du degré Plato créerait une discrimination injustifiée au détriment des bières aromatisées en raison de leur densité accrue par le sucre. Les juges rejettent donc une approche qui conduirait à une imposition disparate pour des boissons offrant pourtant une qualité gustative et alcoolique fort semblable.
La Cour assure la pérennité d’un cadre juridique cohérent en alignant les méthodes de taxation sur les réalités biochimiques de la production de bière. Cette solution facilite la libre circulation des marchandises en empêchant les États membres d’utiliser des critères de densité artificiels pour augmenter leurs recettes.