Cour de justice de l’Union européenne, le 17 novembre 2011, n°C-435/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 17 novembre 2011, un arrêt fondamental concernant l’indemnisation des travailleurs après une faillite. Une question préjudicielle est posée sur l’interprétation de la directive relative à la protection des salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur.

Un salarié voit sa relation de travail prendre fin suite à la déclaration de faillite de son entreprise employeuse en novembre 2006. L’intéressé sollicite le versement d’une indemnité d’insolvabilité pour couvrir les salaires impayés durant son délai de préavis légalement prévu. L’institution de garantie nationale réduit le montant versé de vingt pour cent car le travailleur s’est enregistré tardivement comme demandeur d’emploi. Après un rejet de sa réclamation, le requérant saisit le Rechtbank puis interjette appel devant le Centrale Raad van Beroep. Cette juridiction interroge la Cour sur la compatibilité d’une réduction forfaitaire automatique avec les exigences de protection minimale du droit européen. La Cour juge que la directive s’oppose à une réglementation nationale imposant une telle diminution automatique pour non-respect d’un délai d’enregistrement.

I. L’impératif de protection minimale des créances salariales

A. La prééminence de l’objectif social de la garantie européenne

La directive 80/987 vise à assurer aux salariés un socle de protection uniforme au sein de l’Union européenne en cas d’insolvabilité. Le texte impose aux États membres la création d’institutions de garantie pour le paiement des rémunérations restées impayées lors de la faillite. La Cour rappelle que la finalité sociale consiste à « garantir à tous les travailleurs salariés un minimum de protection au niveau de l’Union européenne ». Cette protection doit couvrir les créances résultant de contrats de travail portant sur la rémunération afférente à une période déterminée. L’existence d’une créance non contestée et reconnue par la réglementation nationale oblige l’institution de garantie à assurer le paiement intégral des sommes dues.

B. L’encadrement strict des dérogations étatiques

Les États membres ne peuvent limiter l’obligation de paiement que dans les cas précisés de manière exhaustive par l’article 4 de la directive. Toute restriction doit faire l’objet d’une interprétation stricte afin de ne pas vider de sa substance le droit au paiement des créances. La jurisprudence précise que « les cas dans lesquels il est permis de circonscrire l’obligation de paiement […] sont énumérés limitativement » par le législateur. Une règle nationale ne peut introduire de nouvelles conditions de fond qui ne figurent pas explicitement dans les exceptions admises par l’Union. Le respect des formes administratives nationales ne saurait ainsi primer sur le droit au versement des salaires garantis par les dispositions européennes.

II. La condamnation des obstacles procéduraux à l’indemnisation

A. Le caractère illicite d’une sanction forfaitaire automatique

La réglementation nationale en cause entraîne une réduction automatique du montant de l’indemnité due au travailleur en cas d’enregistrement administratif tardif. Une telle mesure porte atteinte au minimum de protection garanti puisque le salarié perd une partie des salaires qu’il a effectivement subis. Le juge européen condamne « une diminution forfaitaire et automatique du remboursement » qui ne correspond pas aux pertes réelles subies par l’intéressé. Cette sanction financière directe affecte la subsistance du travailleur sans que la directive n’autorise une telle amputation de la créance salariale protégée. Le montant de l’indemnité doit rester lié à la réalité des salaires impayés plutôt qu’à la célérité d’une démarche d’inscription au chômage.

B. L’absence de justification par la prévention des abus

L’obligation d’enregistrement ne peut être assimilée à un délai de forclusion ou de prescription dont le non-respect éteindrait légitimement le droit. L’institution de garantie ne peut invoquer l’article 10 de la directive pour justifier cette sanction sans démontrer l’existence d’un abus caractérisé. La simple tardiveté d’une inscription administrative ne constitue pas une fraude susceptible de priver le salarié de son droit à une indemnisation intégrale. Le droit européen s’oppose à une règle qui subordonne le paiement total des créances à des obligations formelles déconnectées de la relation de travail. La solution retenue préserve l’efficacité de la protection salariale contre des exigences nationales excédant les facultés de dérogation permises par les traités.

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Hassan KOHEN
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