La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 17 novembre 2011, une décision fondamentale sur la protection des travailleurs salariés. Un employé exerçant depuis plusieurs décennies a perdu son poste suite à la déclaration de faillite de son employeur en novembre 2006. L’intéressé a perçu une indemnité d’insolvabilité réduite de 20 % en raison de son enregistrement tardif auprès des services publics de l’emploi. Les juridictions nationales ont rejeté les recours successifs du demandeur en validant l’application stricte de la législation nationale relative au chômage. Le Centrale Raad van Beroep a interrogé les juges européens sur la compatibilité de cette sanction administrative avec le droit de l’Union. Le litige soulève la question de savoir si un État peut restreindre le paiement des créances salariales pour un motif de procédure. La juridiction affirme que la directive s’oppose à une règle subordonnant le droit au paiement intégral à l’obligation de s’enregistrer comme demandeur.
**I. L’impératif de préservation du socle de protection sociale minimale**
**A. Le caractère objectif du droit au paiement des créances garanties**
La Cour rappelle que « la finalité sociale de la directive 80/987 consiste à garantir à tous les travailleurs salariés un minimum de protection ». Le versement des créances salariales impayées constitue une obligation centrale incombant aux institutions de garantie dès lors que l’insolvabilité de l’employeur est établie. Cette protection s’applique à toute somme objectivement due résultant de la relation de travail sans égard pour les comportements administratifs ultérieurs du salarié.
**B. L’encadrement rigoureux des exceptions aux obligations de paiement**
Le droit européen prévoit des facultés de limitation mais celles-ci doivent faire l’objet d’une interprétation strictement conforme aux objectifs de la directive. L’article 4 énumère limitativement les cas permettant de restreindre l’indemnisation notamment par la fixation d’un plafond communiqué préalablement aux instances de la Commission. Une mesure nationale réduisant les droits hors de ce cadre dérogatoire méconnaît la portée impérative des normes visant à sécuriser la rémunération des travailleurs.
**II. La prohibition des entraves administratives au bénéfice de la garantie**
**A. L’inadéquation des sanctions forfaitaires appliquées aux droits salariaux**
Les juges considèrent qu’une « diminution forfaitaire et automatique » du remboursement des créances porte une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux des salariés lésés. Une telle mesure ne peut être assimilée à un délai de forclusion ou de prescription car elle ne vise pas la sécurité juridique. La perte de salaire effectivement subie durant la période de référence doit être intégralement compensée sans qu’un retard administratif ne vienne l’amputer arbitrairement.
**B. Le rejet des justifications fondées sur la gestion financière du fonds**
La volonté de minimiser les charges du fonds de garantie ne saurait primer sur l’objectif de protection minimale des revenus du travailleur. L’absence d’abus manifeste de la part du salarié empêche l’État membre d’invoquer les dispositions permettant de lutter contre les fraudes aux prestations sociales. La solution retenue consacre ainsi la primauté de la subsistance des travailleurs sur les impératifs de contrôle administratif des demandeurs d’emploi en Europe.