La Cour de justice de l’Union européenne, par son arrêt du 17 novembre 2022, affaires jointes C-147/22 et C-204/22, précise le régime du reconditionnement pharmaceutique.
Un opérateur économique a importé des produits de santé et a choisi de remplacer leur emballage extérieur par un nouveau conditionnement cartonné revêtu de la marque.
Le professionnel estimait que le retrait des dispositifs de sécurité obligatoires laissait des traces inesthétiques nuisant à la commercialisation de ses produits sur le marché national.
Les titulaires des droits ont engagé des poursuites devant les juridictions de renvoi pour interdire l’usage de leurs marques sur ces nouveaux emballages extérieurs.
Celles-ci ont saisi la Cour de justice pour déterminer si la visibilité des traces d’ouverture justifiait objectivement un reconditionnement intégral au regard du droit européen.
Le litige soulève la question de la légitimité du titulaire à interdire le nouvel emballage quand le réétiquetage laisse des marques perceptibles sur le support d’origine.
Les juges considèrent que l’opposition est légitime, sauf si ces traces entraînent une désaffection des consommateurs empêchant l’accès effectif au marché de destination.
L’examen de la nécessité matérielle du reconditionnement technique précède l’analyse des limites réglementaires étatiques et de la préservation des fonctions essentielles de la marque.
**I. La nécessité du reconditionnement face aux exigences de sécurité**
**A. L’appréciation des traces d’ouverture sur l’emballage d’origine**
Le titulaire d’une marque peut s’opposer au reconditionnement si le remplacement du dispositif antieffraction laisse des « traces visibles, ou perceptibles au toucher » d’ouverture.
La validité de cette opposition suppose toutefois que les marques constatées soient « imputables au reconditionnement de ce médicament par cet importateur parallèle » et non à autrui.
Cette exigence technique contraint l’opérateur à démontrer l’impossibilité d’un simple réétiquetage respectant l’intégrité visuelle et tactile du conditionnement initial de la spécialité médicale.
**B. L’entrave à l’accès effectif au marché national**
Le droit d’interdiction s’efface lorsque les traces provoquent « une résistance si forte d’une proportion significative de consommateurs » sur le territoire géographique de l’importation.
Le reconditionnement devient alors objectivement nécessaire si le maintien de l’emballage d’origine altéré constitue « une entrave à l’accès effectif à ce marché » pour l’importateur.
Le juge national doit apprécier si la perception négative du public face aux traces d’effraction rend la vente des médicaments importés pratiquement impossible.
**II. Les limites du droit de marque et le respect de la libre circulation**
**A. L’invalidité des prescriptions étatiques imposant le nouvel emballage**
Le droit européen s’oppose à une législation nationale prescrivant par principe le reconditionnement des médicaments au détriment d’un simple réétiquetage des boîtes d’origine.
Une telle réglementation étatique ne saurait d’ailleurs faire obstacle au droit du titulaire de s’opposer à la commercialisation d’un produit ainsi reconditionné sans nécessité.
Les États peuvent uniquement imposer cette méthode dans des « circonstances exceptionnelles », comme le risque avéré de rupture d’approvisionnement sur le marché intérieur.
**B. La préservation des fonctions de la marque et de sa réputation**
Le titulaire conserve sa prérogative d’opposition si la présentation du nouvel emballage est « effectivement de nature à nuire à la réputation de la marque ».
Le reconditionnement doit permettre au consommateur d’identifier l’origine du médicament sans confusion possible entre l’importateur et le fabricant initial ou ses partenaires.
Le respect de ces conditions garantit l’équilibre entre la protection des investissements des titulaires et l’objectif de fluidité du commerce au sein de l’Union.