Cour de justice de l’Union européenne, le 17 novembre 2022, n°C-253/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 17 novembre 2022, une décision concernant le droit des marques. Cet arrêt précise les conditions de substitution de la marque d’un générique par celle du produit de référence.

Un groupe pharmaceutique commercialise un médicament de référence et sa version générique sous des dénominations distinctes dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Des sociétés spécialisées dans le commerce parallèle ont importé ces produits génériques depuis les Pays-Bas vers le territoire belge. Ces opérateurs envisageaient de commercialiser les médicaments sous la marque du produit de référence après avoir procédé à un reconditionnement intégral des emballages. Le titulaire des droits de propriété intellectuelle s’est opposé à cette pratique en invoquant une atteinte manifeste à ses prérogatives exclusives.

Le juge des cessations de Bruxelles a initialement ordonné l’arrêt de cette commercialisation en première instance par deux jugements du 12 avril 2018. Les importateurs ont interjeté appel devant la Cour d’appel de Bruxelles pour contester ces décisions en invoquant un cloisonnement artificiel des marchés. La juridiction d’appel a décidé de surseoir à statuer par des décisions du 25 mai 2020 afin d’interroger la Cour de justice. Elle cherche à savoir si l’opposition du titulaire constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises garantie par le droit primaire.

Le litige porte sur l’interprétation de l’épuisement du droit de marque lorsqu’un importateur procède au remplacement d’un signe par un autre signe du même titulaire. Il convient de déterminer si le reconditionnement d’un générique sous la marque de référence est possible pour éviter un cloisonnement du marché intérieur. La Cour dispose que le titulaire peut s’opposer au nouveau marquage, sauf si les produits sont identiques et si l’entrave est objectivement nécessaire. L’importateur doit également respecter les conditions classiques de présentation et d’information préalablement définies par la jurisprudence constante en matière de produits pharmaceutiques.

L’analyse de cette solution impose d’étudier la protection rigoureuse de la fonction d’origine de la marque avant d’envisager les tempéraments liés au marché unique.

I. La protection rigoureuse de la fonction d’origine de la marque

A. L’exigence d’une identité matérielle absolue entre les produits

La Cour refuse d’assimiler systématiquement le médicament de référence et son générique au seul motif de leur équivalence thérapeutique entre les différentes formulations. Elle souligne que « la composition du médicament générique peut être différente de celle du médicament de référence en ce qui concerne la forme pharmaceutique ». L’identité doit être totale pour autoriser le remplacement de la marque car un médicament de référence et son pendant générique ne sont pas identiques. Cette exigence d’identité stricte garantit que l’importateur ne crée pas de confusion sur la provenance réelle et la composition exacte des produits vendus.

B. La préservation de la sécurité des professionnels et des patients

Le juge européen rappelle que la fonction essentielle de la marque consiste à garantir aux consommateurs la provenance certaine du produit ou du service. Une substitution de marque injustifiée risquerait « d’induire en erreur les professionnels de santé et les patients quant à la composition exacte du médicament concerné ». Cette confusion pourrait entraîner des conséquences potentiellement graves pour la santé des patients, particulièrement pour les produits dont la marge thérapeutique est étroite. La protection de la marque rejoint ainsi un impératif de santé publique en évitant toute incertitude sur la nature réelle du traitement administré.

II. Les limites à l’exercice du droit de marque face à l’unité du marché

A. Le critère de la nécessité objective du nouveau marquage

Le droit de marque ne saurait permettre aux titulaires de cloisonner les marchés nationaux en favorisant le maintien des différences de prix entre États. L’opposition du titulaire au reconditionnement est interdite si elle contribue à un cloisonnement artificiel des marchés préjudiciable à la libre circulation des marchandises. La substitution de la marque doit être « objectivement nécessaire pour que ledit médicament puisse être commercialisé dans ce dernier État membre par l’importateur ». Cette nécessité n’est cependant pas remplie si le reconditionnement s’explique exclusivement par la recherche, par l’opérateur, d’un avantage commercial ou financier.

B. Le maintien de l’équilibre jurisprudentiel relatif au reconditionnement

L’importateur doit établir que les circonstances prévalant au moment de la commercialisation rendent le remplacement de la marque d’origine indispensable pour accéder au marché. La Cour réaffirme l’application des conditions classiques imposant que le reconditionnement n’affecte pas l’état originaire du produit contenu dans l’emballage extérieur. Il appartient également à l’importateur d’avertir préalablement le titulaire de la marque et de lui fournir un spécimen du nouveau produit reconditionné. Ces exigences cumulatives assurent une conciliation équilibrée entre les prérogatives de propriété intellectuelle et les impératifs de construction d’un marché intérieur intégré.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture