Cour de justice de l’Union européenne, le 17 octobre 2013, n°C-101/12

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 17 octobre 2013 un arrêt relatif à la validité du règlement concernant l’identification des ovins. Cette décision traite des obligations d’identification électronique individuelle et de tenue de registres au regard des droits fondamentaux garantis par l’Union européenne. Un éleveur détenant un troupeau a saisi le tribunal administratif de Stuttgart pour contester ces contraintes techniques et financières imposées par la réglementation communautaire. La juridiction allemande a donc interrogé les juges européens sur la compatibilité de ces mesures avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union. La difficulté centrale repose sur le point de savoir si ces contraintes administratives portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprise. La Cour affirme que l’examen des questions n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles contestés du règlement.

I. La conciliation proportionnée de la liberté d’entreprise avec les impératifs sanitaires

A. La légitimité de l’ingérence dans l’exercice de l’activité économique

    L’article 16 de la Charte reconnaît la liberté d’entreprise mais celle-ci peut subir des limitations prévues par la loi dans l’intérêt général. Les juges rappellent que « la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue » et peut être soumise à des interventions de la puissance publique. La lutte contre les maladies contagieuses et la protection de la santé animale constituent des objectifs légitimes justifiant des contraintes sur les opérateurs. La Cour souligne que le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le domaine de la politique agricole commune. La reconnaissance de cette légitimité d’intervention publique conduit alors à évaluer le caractère proportionné des outils techniques retenus pour assurer la sécurité sanitaire.

B. Le caractère adéquat et nécessaire du renforcement de la traçabilité

    L’expérience acquise lors de crises sanitaires majeures a démontré l’insuffisance de l’ancien système basé sur une identification globale par exploitation. L’identification individuelle permet un contrôle précis de chaque animal, ce qui s’avère essentiel en cas de propagation de maladies infectieuses massives. La mise en œuvre de moyens électroniques garantit une plus grande fiabilité ainsi qu’une rapidité accrue dans la communication des données épidémiologiques. Les coûts supplémentaires pour les éleveurs restent justifiés par les économies réalisées en évitant des abattages préventifs massifs ou des interdictions d’exportation. Au-delà de la liberté d’entreprendre, le dispositif réglementaire doit également respecter le principe d’égalité de traitement entre les différentes catégories d’opérateurs économiques.

II. La conformité du régime d’identification au principe général d’égalité de traitement

A. La justification objective des différenciations entre États membres

    Le règlement autorise certains États disposant d’un cheptel réduit à rendre facultatif le système d’identification électronique pour les échanges purement nationaux. Cette distinction repose sur un critère objectif lié à l’impossibilité de réaliser des économies d’échelle suffisantes pour maîtriser les coûts du système. Le risque de contagion demeure limité aux territoires concernés sans affecter le bon fonctionnement du marché intérieur européen. La différence de traitement est donc proportionnée au but poursuivi car elle prend en compte les spécificités économiques locales. Cette flexibilité accordée à certains territoires ne remet pas en cause l’exigence de non-discrimination vis-à-vis des autres filières animales soumises à des risques distincts.

B. La cohérence de l’approche progressive par espèce animale

    Le requérant invoquait une discrimination par rapport aux secteurs bovin et porcin qui ne subissent pas les mêmes obligations d’identification électronique. La Cour rejette cet argument en soulignant les particularités propres aux ovins dont les mouvements sont plus fréquents et difficiles à tracer. Le législateur peut valablement adopter une approche par étapes et procéder en fonction de l’expérience acquise dans des secteurs particulièrement sensibles. « Le législateur peut légitimement se baser sur une telle approche progressive pour l’introduction de l’identification électronique » sans violer les principes fondamentaux. L’introduction spécifique de ces mesures pour les espèces touchées par la crise de 2001 ne méconnaît donc pas le principe général d’égalité.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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