La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu à Luxembourg le 6 octobre 2025, statue sur la validité d’un règlement restreignant l’usage du plomb. Cette décision intervient dans le cadre d’un pourvoi dirigé contre une sentence du Tribunal de l’Union européenne ayant validé une réglementation technique concernant les substances chimiques. Le litige trouve sa source dans l’adoption d’un acte modifiant les restrictions applicables à la grenaille de chasse utilisée à l’intérieur ou autour des zones humides. Plusieurs personnes physiques et une association de propriétaires d’armes à feu ont contesté la légalité de l’interdiction de décharger ou de porter de telles munitions. Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours en annulation par une décision du 21 décembre 2022, provoquant alors la saisine de la juridiction supérieure. Les requérants invoquent notamment le refus injustifié d’une expertise technique ainsi qu’une méconnaissance grave du principe fondamental de la présomption d’innocence par l’administration européenne. La Cour doit déterminer si les mesures de contrôle de l’usage de substances dangereuses respectent les exigences du droit primaire et les garanties procédurales élémentaires. Le juge rejette l’ensemble des moyens en confirmant la souveraineté des juges du fond dans l’appréciation des preuves et la proportionnalité des restrictions environnementales imposées.
**I. La confirmation du cadre d’appréciation technique et factuelle**
**A. La souveraineté du juge du fond sur les mesures d’instruction**
Les requérants critiquent le refus d’ordonner une expertise complexe portant sur la toxicologie du sol, la balistique et la fabrication des armes à feu dans l’Union. La Cour rappelle que « le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter (…) les éléments d’information dont il dispose » pour trancher le litige. Cette prérogative permet d’écarter des demandes d’instruction lorsque les pièces versées aux débats suffisent déjà à forger l’intime conviction des magistrats sur les risques sanitaires. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne saurait être censuré sauf si l’absence d’expertise aboutit à une dénaturation manifeste des éléments de preuve régulièrement produits. Une telle mesure d’instruction n’apparaît pas indispensable dès lors que les données de l’agence spécialisée permettent de justifier les dangers réels pour la santé humaine.
**B. Le contrôle restreint de la Cour sur la matérialité des faits**
Le juge du pourvoi limite son contrôle aux questions de droit et refuse de procéder à un nouvel examen des éléments purement factuels de la cause. Les requérants allèguent une dénaturation de divers documents techniques sans démontrer une lecture manifestement contraire au libellé des pièces versées au dossier par l’institution. La Cour précise qu’« une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation ». Le simple fait qu’un document puisse faire l’objet d’une interprétation différente ne suffit pas à caractériser une erreur de droit censurable par la haute juridiction. La validité des conclusions scientifiques concernant les grenailles de substitution reste ainsi préservée contre les critiques générales émises par les usagers des armes à feu.
**II. La validation du dispositif de contrôle et des garanties fondamentales**
**A. L’interprétation finaliste de la notion de zones humides**
Le règlement définit les zones humides de manière large pour englober diverses étendues d’eau, qu’elles soient naturelles ou artificielles, permanentes ou même simplement temporaires. Les juges valident cette approche téléologique qui vise à assurer un niveau élevé de protection de l’environnement conformément aux objectifs fondamentaux du droit de l’Union. L’argument tiré du caractère arbitraire de cette définition est écarté car les requérants échouent à démontrer une erreur dans les méthodes d’interprétation habituelles du juge. La protection efficace des écosystèmes fragiles impose une vision extensive des espaces où l’usage de la grenaille de plomb présente un danger environnemental particulièrement avéré. Cette clarté conceptuelle permet d’appliquer uniformément les restrictions de port et de décharge sur l’ensemble du territoire européen sans créer d’ambiguïté juridique pour les chasseurs.
**B. La préservation de la présomption d’innocence face aux présomptions réfragables**
Le litige porte sur la présomption légale selon laquelle le port de grenaille de plomb en zone humide est destiné à un tir prohibé par la loi. La Cour souligne que « le règlement litigieux n’a pas établi une présomption selon laquelle les personnes qui portent sur elles (…) sont réputées avoir déchargé de telles munitions ». Cette nuance est capitale car elle restreint l’application de la présomption au seul fait de porter la substance lors d’une pratique de tir constatée et effective. Le mécanisme vise à garantir l’effet utile de l’interdiction tout en laissant au tireur la possibilité de démontrer qu’il ne faisait que traverser la zone humide. La solution retenue concilie les nécessités impérieuses de la police environnementale avec le respect scrupuleux des droits de la défense des citoyens de l’Union européenne.