La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 27 décembre 2025, statue sur un pourvoi relatif à la défense commerciale. Le litige concerne l’imposition de droits compensateurs sur les importations de biodiesel provenant d’un État tiers vers le marché de l’Union européenne. L’enquête administrative a révélé l’existence de subventions accordées par un organisme public national aux producteurs exportateurs de carburants d’origine non fossile. Un règlement d’exécution a instauré un droit compensateur définitif afin de protéger l’industrie européenne contre un préjudice jugé particulièrement grave.
Les producteurs ont saisi le Tribunal de l’Union européenne (Luxembourg) d’un recours en annulation, rejeté par une décision du quatorze décembre deux mille vingt-deux. Les requérantes ont formé un pourvoi en invoquant plusieurs erreurs de droit touchant à la méthode de calcul du préjudice subi par l’industrie. La Cour doit déterminer si les modalités de calcul de la sous-cotation et de répartition des subventions respectent les exigences de la réglementation européenne. L’arrêt confirme la légalité des méthodes employées et rejette l’intégralité des moyens soulevés par les parties requérantes au soutien de leur pourvoi.
I. La validité des méthodes de détermination de la sous-cotation des prix
A. L’objectivité de l’examen des effets sur les prix
L’institution chargée de l’enquête dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour examiner des situations économiques et politiques dont la complexité est avérée. Le contrôle juridictionnel se limite donc à la vérification des règles de procédure, de l’exactitude des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation. L’autorité a utilisé trois méthodes distinctes pour établir l’existence d’une sous-cotation notable des tarifs pratiqués par les exportateurs durant la période de référence. La jurisprudence précise que « la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif ».
L’absence d’ajustements systématiques des prix ne constitue pas une erreur dès lors que les relations concurrentielles entre les types de biodiesels restent techniquement complexes. Les requérantes n’ont pas démontré que les corrections tarifaires sollicitées étaient indispensables pour garantir une comparaison équitable entre les diverses marchandises en cause. L’examen global des méthodes de calcul permet de valider le constat d’un avantage indûment perçu par les exportateurs au détriment de la production européenne. Les institutions ont ainsi respecté le cadre juridique imposant une analyse factuelle rigoureuse des conditions de concurrence sur le marché intérieur.
B. L’incidence de la sous-cotation sur la pression tarifaire
L’existence d’une sous-cotation notable suffit pour conclure que les importations ont pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher des hausses nécessaires. L’examen doit porter sur le point de savoir si ces importations ont « pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses ». Le Tribunal a justement relevé que l’industrie de l’Union a subi une baisse de sa part de marché concomitamment à l’augmentation soudaine des importations. La rentabilité très limitée des opérateurs européens démontre que la pression tarifaire exercée par les produits tiers a empêché l’amélioration attendue des marges.
Une sous-cotation de dix pour cent exerce une forte pression à la baisse sur un marché de produits de base particulièrement sensible aux fluctuations tarifaires. Les entreprises locales sont ainsi contraintes de répercuter la baisse des coûts sur leurs clients pour sauvegarder leurs volumes de vente et leur position. La Cour valide le raisonnement selon lequel le préjudice résulte directement de cette distorsion de concurrence induite par le soutien financier de l’État tiers. Les effets négatifs constatés sur les indicateurs de rentabilité confirment la nécessité d’imposer des mesures correctives proportionnées à l’ampleur de la sous-cotation.
II. La régularité du mode de répartition du montant des subventions
A. Le respect des critères fixés par la réglementation européenne
Le montant de la subvention passible de mesures compensatoires se calcule par unité du produit subventionné exporté vers le territoire douanier de l’Union. Lorsque l’aide n’est pas accordée par référence aux quantités transportées, le montant est déterminé en répartissant la valeur totale sur le niveau de production. Le juge de première instance a considéré que les versements effectués par le fonds public n’étaient pas directement liés aux seules quantités exportées vers l’Europe. « Le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est déterminé en répartissant, de façon adéquate, la valeur de la subvention totale sur le niveau ».
L’argumentation contestant l’existence même de cette hypothèse de répartition a été jugée irrecevable car elle n’avait pas été soulevée durant la phase initiale. La compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale donnée aux arguments débattus devant les juges du premier degré de juridiction. Les requérantes ne peuvent donc pas remettre en cause les constatations factuelles relatives à la nature de la subvention perçue lors de la procédure de pourvoi. La méthode de répartition proportionnelle aux ventes globales apparaît cohérente avec l’objectif de neutraliser l’avantage financier dont bénéficient les producteurs exportateurs étrangers.
B. La détermination de l’assiette de répartition au produit concerné
La répartition de la valeur de la subvention totale doit s’opérer sur le niveau de production ou de vente du seul produit visé par l’enquête. L’inclusion d’autres types de marchandises vendues par les entreprises concernées dans le dénominateur de calcul aurait indubitablement faussé l’appréciation de l’avantage conféré. Les subventions perçues pour les ventes sur le marché intérieur peuvent être réparties sur les ventes à l’exportation en raison du caractère fongible des capitaux. Les versements ne limitaient pas leurs effets au marché national mais apportaient un soutien global de nature à conférer un avantage sur les exportations.
L’approche consistant à prendre en compte le chiffre d’affaires généré par les ventes du produit litigieux apparaît appropriée et conforme aux textes de droit dérivé. L’institution a donc respecté son obligation de motivation en justifiant le choix de cette assiette pour le calcul du montant du droit compensateur définitif. La Cour rejette l’idée qu’un soutien ciblé sur la production nationale ne puisse pas avoir d’influence sur la compétitivité des produits vendus à l’international. L’intégralité du pourvoi est ainsi écartée et les parties requérantes sont condamnées à supporter les dépens de la procédure conformément aux conclusions des parties.