Cour de justice de l’Union européenne, le 17 septembre 2014, n°C-441/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 17 septembre 2014, précise l’étendue de l’obligation de publication d’un prospectus lors d’une offre. Le litige trouve son origine dans l’exécution d’un accord de transfert d’actions ayant donné lieu à une condamnation pécuniaire et une saisie-exécution de titres. Le créancier a sollicité la vente forcée des certificats d’actions saisis afin de recouvrer sa créance, déclenchant un débat sur la nécessité d’un prospectus préalable. Le Tribunal de Breda, par décision du 27 décembre 2010, a ordonné la vente publique des titres sans imposer la publication d’un document d’information financière. Cette position fut confirmée par la Cour d’appel de ’s‑Hertogenbosch le 5 avril 2011, avant qu’un pourvoi ne soit porté devant la Cour suprême des Pays-Bas. La juridiction nationale s’interroge sur l’application de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/71 à une telle procédure d’exécution forcée ordonnée par la justice. La Cour de justice juge que l’obligation de publier un prospectus préalablement à toute offre au public n’est pas applicable à une vente forcée de valeurs mobilières. L’analyse de cette solution impose d’examiner l’exclusion des ventes forcées de la directive avant d’apprécier la cohérence globale de cette interprétation strictement téléologique.

**I. L’exclusion des ventes forcées du champ d’application de la directive « prospectus »**

**A. La distinction fondée sur la nature de l’opération**

La Cour souligne que les ventes forcées de valeurs mobilières « sont très éloignées de toute situation normale de négociation de tels titres » sur les marchés financiers. Ces opérations ne procèdent pas d’une volonté de l’émetteur ou du détenteur mais résultent d’une saisie opérée à la demande d’un tiers créancier. L’objectif consiste uniquement à « rembourser une dette » et non à participer activement à l’activité économique ou à la levée de capitaux sur le marché. Cette divergence de nature justifie l’écartement de la définition large de l’offre au public prévue initialement par les dispositions de la directive relative au prospectus.

**B. L’incompatibilité avec les objectifs de protection et d’efficacité**

La protection des investisseurs constitue le « noyau fondamental » des objectifs poursuivis par le législateur européen afin d’assurer le bon fonctionnement et le développement des marchés. Or, imposer un prospectus retarderait la procédure d’exécution et engendrerait des coûts importants susceptibles de « limiter les chances du créancier de se voir rembourser » intégralement. La finalité de la vente forcée réside dans la satisfaction rapide du créancier, ce qui entre en contradiction directe avec les délais inhérents à l’approbation d’un prospectus. Le juge européen privilégie ainsi l’efficacité des procédures civiles d’exécution nationales sur les exigences de transparence applicables aux opérations commerciales classiques de placement de titres.

**II. La cohérence de l’interprétation téléologique retenue par la Cour**

**A. La prise en compte des obstacles pratiques et économiques**

La préparation d’un prospectus nécessite impérativement « la collaboration des organes de gestion » de la société émettrice pour fournir des données financières précises et certifiées. Dans le contexte conflictuel d’une vente forcée, l’absence de coopération constructive de la part de l’entité concernée rendrait la rédaction de ce document techniquement impossible. La Cour relève également la difficulté de désigner la personne responsable des informations fournies, puisque le vendeur n’est pas le titulaire des valeurs mobilières cédées. Ces complications pratiques confirment que le champ d’application de la directive ne saurait être étendu à des situations étrangères aux mécanismes habituels du marché financier.

**B. L’absence de discrimination entre investisseurs**

L’argument d’une éventuelle discrimination entre les acquéreurs lors d’une vente volontaire et ceux d’une vente forcée est écarté par une application rigoureuse du principe d’égalité. La jurisprudence rappelle que des « situations différentes ne soient pas traitées de manière égale », à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié par les circonstances. Les investisseurs participant à une vente judiciaire sont informés du contexte spécifique de l’opération et acceptent des risques distincts de ceux présents sur un marché réglementé. Cette décision sécurise les créanciers en garantissant que les contraintes réglementaires du droit des marchés financiers ne viennent pas entraver indûment le recouvrement des créances civiles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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