La Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg a rendu, le 17 septembre 2015, une décision fondamentale concernant la responsabilité des sociétés mères en droit de la concurrence. Le litige porte sur la participation d’une filiale à une entente illicite sur le marché des cires de paraffine durant plusieurs années consécutives. L’autorité administrative avait infligé une amende solidaire à la société mère en se fondant sur une présomption d’influence déterminante liée au capital détenu. La requérante a saisi le Tribunal de l’Union européenne afin d’obtenir l’annulation de la sanction ou une réduction significative de son montant financier. Le rejet de ses prétentions en première instance le 13 septembre 2013 a conduit la société à former un pourvoi devant la haute juridiction européenne.
Elle conteste l’imputation de l’infraction et critique le manque de proportionnalité de la sanction pécuniaire retenue par les juges du fond. Le problème juridique réside dans la capacité pour une entité de renverser la présomption de responsabilité lorsque celle-ci détient la totalité du capital social. La Cour décide que « le pourvoi est rejeté » car les preuves d’autonomie fournies par la société n’étaient pas suffisantes pour écarter sa responsabilité. L’arrêt confirme la rigueur du droit européen envers les groupes de sociétés tout en validant le contrôle exercé sur le montant des sanctions. Nous examinerons la confirmation de la responsabilité de la société mère par le biais d’une présomption avant d’étudier l’encadrement du contrôle juridictionnel de la sanction.
I. La confirmation de la responsabilité de la société mère par le biais d’une présomption
A. L’application rigoureuse de la présomption d’influence déterminante
La Cour souligne qu’une telle présomption repose sur le lien structurel étroit unissant les différentes entités juridiques appartenant à une même unité économique globale. Il est précisé qu’« il incombe à une société mère qui conteste ladite présomption de renverser celle-ci en apportant des éléments de preuve » concrets et vérifiables. Les juges estiment que la simple existence d’une gestion opérationnelle distincte ne suffit pas à démontrer une autonomie réelle de la filiale sur le marché. Cette solution renforce l’efficacité des poursuites engagées par l’administration contre les pratiques anticoncurrentielles au sein des grands groupes industriels et commerciaux de l’Union. La validation de cette présomption structurelle conduit naturellement à s’interroger sur les conditions concrètes de son éventuel renversement par la société.
B. Le caractère difficilement réfragable de la présomption d’influence
La requérante n’a pas réussi à produire des éléments attestant que sa filiale déterminait sa politique commerciale de manière totalement indépendante de sa direction générale. La juridiction européenne valide le raisonnement des premiers juges qui avaient écarté les arguments relatifs à l’organisation décentralisée de la structure sociale en question. Par conséquent, la responsabilité de la société mère demeure engagée dès lors que les liens capitalistiques permettent de diriger indirectement le comportement de la filiale. Cette approche jurisprudentielle assure une protection optimale du droit de la concurrence en empêchant les sociétés de s’abriter derrière une division formelle de leurs activités.
La validation de cette imputation de responsabilité permet ensuite à la Cour de se prononcer sur les modalités de fixation de la sanction pécuniaire finale.
II. L’encadrement du contrôle juridictionnel relatif à la détermination de la sanction
A. La validation de la méthode de calcul de l’amende
La société critiquait la fixation du montant de la sanction en faisant valoir une erreur dans l’appréciation de la durée réelle de sa participation individuelle. La Cour répond que « le montant de l’amende ne doit pas être le résultat d’un calcul arithmétique » pour justifier la sévérité de la sanction. Les juges disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour pondérer les différents critères de calcul afin de garantir le caractère dissuasif de la punition prononcée. Le contrôle exercé reste limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir dans la mise en œuvre des lignes directrices. Cette vérification de la méthode employée se double d’une appréciation souveraine de l’opportunité de la sanction par les juges.
B. Le maintien de la sanction au titre de la pleine juridiction
Le Tribunal a exercé sa compétence de pleine juridiction en confirmant que le montant total de l’amende était justifié par la gravité des faits reprochés. La haute juridiction affirme que « le contrôle de légalité est complété par la pleine juridiction qui habilite le juge à substituer son appréciation à celle de l’institution ». Le rejet du pourvoi consacre la souveraineté des juges du fond dans l’évaluation du montant des amendes tant que les principes généraux sont respectés. Cette décision assure une stabilité nécessaire au droit européen des affaires en limitant les possibilités de contestation systématique des sanctions pécuniaires devant la Cour.